Au menu des grandes tables ou dans un chalet de pourvoirie, les poissons du Québec font belle figure. On les apprête plus souvent et mieux, mais sont-ils sûrs?

Chose certaine, le Guide de consommation de poisson de pêche sportive du gouvernement du Québec n'a rien pour ouvrir l'appétit des amateurs. La liste des BPC, DDT et parasites qui se retrouvent possiblement dans cette belle truite à l'oseille donne plutôt envie de se tourner vers l'épluchette de blé d'Inde...

 

Les chercheurs s'intéressent toutefois beaucoup plus au mercure, car consommé en grandes doses, ce métal est fort dangereux. Comme la moitié du mercure en circulation provient de sources naturelles et qu'il peut être transporté sur de très grandes distances, il se retrouve inévitablement dans les lacs québécois. Même dans ce petit lac isolé, accessible uniquement par hydravion.

Les gens qui croient que plus le lac est éloigné d'un milieu urbain, plus son niveau de contaminants est bas se trompent, estime René Canuel, chercheur associé au département de science de l'environnement de l'UQAM. Son groupe a déjà constaté que des dorés pêchés dans un lac du Nord du Québec contenaient finalement plus de mercure que ceux pêchés dans un lac près de Montréal. Les poissons dans ce lac isolé grandissaient moins vite et donc, accumulaient donc plus de mercure, explique le chercheur.

«Quelqu'un qui passe trois semaines en Abitibi dans un camp de pêche et qui mange du doré tous les jours, oui, il va se prendre une bonne dose de mercure», dit-il.

Selon la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs, la plupart des gens qui vont à la pêche mangent leurs prises. D'ailleurs, une nouvelle population de pêcheurs est attirée sur les lacs par ce désir de manger des produits locaux et frais. «Les gens sont généralement assez prudents, estime Alain Cosette, président de la Fédération. Ils savent qu'il n'y a pas de problème à manger du poisson d'eau douce une fois de temps en temps.» Mais peu vérifient le taux de contaminants des poissons, avant de partir.

Cela étant dit, il ne faut surtout pas être alarmiste, estime toutefois le professeur René Canuel. Pour la population en général, il y peu de restrictions.

D'abord il faut comprendre que le poisson d'eau douce compte aussi des espèces de prédateurs avec lesquelles il faut être plus prudent. Ici, il faut surtout se méfier du doré et du brochet. «Les poissons les plus gros sont susceptibles de contenir plus de mercure», précise l'universitaire.

Bref, le même gros bon sens qui prévaut pour les poissons marins s'applique aussi aux prises de lac. Et les mêmes conseils. Mieux vaut diversifier les espèces que l'on mange lors d'un voyage de pêche, dit René Canuel.

La recommandation change pour les «populations fragiles» où la prudence est de mise, comme c'est aussi le cas pour l'ensemble des produits marins. On ne connaît pas complètement la toxicologie du mercure, dit René Canuel. «Mais on sait que chez la femme enceinte, la charge de mercure va être transférée au placenta et qu'un système nerveux en développement est très sensible», mentionne-t-il.

Les futures mamans qui veulent consommer du poissons, ou en donner à leurs jeunes enfants, pour ses bienfaits liés aux oméga-3, devraient peut-être choisir des poissons marins. Car l'immensité des fonds marins a pour effet de diminuer la concentration de mercure dans l'eau et donc dans les poissons...

Et les femmes qui comptent devenir enceintes? La prudence est aussi de mise, car le mercure reste dans le sang et s'accumule. La moitié de la quantité est éliminée entre 40 à 80 jours après la consommation. Faites vos calculs, si vous prévoyez une grossesse.

Compliqué, tout cela? Certes, mais le ministère du Développement durable, des Parcs et de l'Environnement publie en ligne les résultats de ses analyses faites partout au Québec. Très pratique, avant un voyage de pêche. Il s'agit de vérifier les résultats obtenus dans le lac ou la rivière de son choix pour connaître les recommandations pour les espèces testées, selon qu'il s'agisse d'un petit, moyen ou gros d'un poisson. On dit même à quelle fréquence on peut le manger, de huit fois par mois à une seule, dans le cas des poissons forts en mercure.

Bonne pêche!

 

Conseils de pêcheurs d'eau douce

- Mangez les filets de poisson pour éviter les contaminants organochlorés (BPC, DDT, dioxines) qui se trouvent davantage dans la peau et les graisses des poissons.

- Préférez les petits poissons, qui contiennent moins de mercure.

- Faites cuire ou congelez vos prises pour éliminer les parasites ou tuer les larves.

www.mddep.gouv.qc.ca

Source: Guide de la consommation du poisson de pêche sportive en eau douce