Les fashionistas du monde entier ont désormais toutes une chemise brodée, style bohème, dans leur garde-robe. Parfois sans savoir que ce vêtement n'est autre qu'une tenue traditionnelle ukrainienne, devenue un symbole d'unité dans le pays.

«Que vous le sachiez ou non, l'influence ukrainienne est arrivée dans vos placards», avait écrit l'édition américaine du magazine Vogue dès le printemps 2015, avant de réitérer en 2016 son adhésion à la «vyshyvanka».

Cette chemise traditionnelle aux motifs brodés, le plus souvent dans plusieurs couleurs, a connu un regain de popularité dans les rues de Kiev, sur fond de montée du patriotisme, lors de la contestation du Maïdan qui a abouti en 2014 à la chute d'un président prorusse, suivie de l'annexion de la Crimée par la Russie et du conflit armé avec les séparatistes prorusses dans l'Est du pays.

Et depuis elle s'exporte. Des célébrités du monde entier ont commencé à en porter sur les tapis rouges, à l'instar de l'actrice française Mélanie Thierry lors du dernier Festival de Cannes. Récemment, la reine Maxima des Pays-Bas a également revêtu une chemise brodée pour assister aux Jeux olympiques de Rio.

Sur Instagram, la star britannique Kelly Osbourne, fille de la légende du métal Ozzy Osbourne, n'a pas caché son enthousiasme, publiant une photo d'elle portant une «vyshyvanka» de la designer ukrainienne Ioulia Magdytch.

«Les gens pensent peut-être que la mode est à New York, mais moi j'ai les yeux rivés sur l'Ukraine», a écrit l'artiste britannique.

«ADN de la mode ukrainienne»

Dans le folklore ukrainien, les «vyshyvanka» sont représentées comme des sortes de talismans protégeant des mauvais esprits.

«Les Ukrainiens ont beaucoup perdu lorsque la guerre a commencé» dans l'est de l'Ukraine, explique à l'AFP Ioulia Magdytch, en référence au conflit entre forces ukrainiennes et séparatistes prorusses, qui a fait plus de 9500 morts en plus de deux ans.

«Dans de tels moments, vers quoi se tournent les gens? Ils se tournent vers leurs origines. Et la chemise brodée fait partie de nos traditions. C'est pourquoi tous se sont rués vers elle», explique-t-elle.

Désormais, plus une seule fête ne se passe dans l'ouest de l'Ukraine, le coeur du nationalisme ukrainien, et dans la capitale Kiev sans chemises brodées.

Une journée de la «vyshyvanka» est aussi organisée tous les ans pour célébrer l'unité et la solidarité du peuple en Ukraine. Ce jour-là, écoliers, employés ou hommes politiques s'affichent dans les rues en chemises ou robes brodées, même s'il ne s'agit pas d'une fête officielle.

Grâce à la chemise brodée, Ioulia Magdytch est devenue la première styliste ukrainienne à voir ses créations se vendre dans les célèbres magasins Selfridges au Royaume-Uni.

Elle estime qu'il a fallu du temps pour que les gens comprennent que la broderie faisait partie intégrante «de l'ADN de la mode ukrainienne».

«Maintenant, c'est prestigieux de porter une chemise brodée. C'est à la mode de porter une "vyshyvanka». C'est à la mode d'être ukrainien», affirme-t-elle.

«Un travail unique»

Depuis qu'elle s'est lancée dans cette mode, Oxana Karavanska, une autre styliste ukrainienne de renom, a reçu des commandes du monde entier, de la France à la Suisse en passant par le Canada et les États-Unis.

«La chemise brodée est un succès mondial», dit-elle. «C'est un travail artistique unique car on ne peut pas trouver deux «vyshyvanka» identiques dans le pays».

Chaque «vyshyvanka» a en effet un style particulier, représentant la région où elle a été créée.

Katerina Levenko, 69 ans, brode des chemises depuis l'enfance. Elle est née dans un village du nord-est de l'Ukraine et a tout appris de sa mère.

Aujourd'hui, sa collection de «vyshyvanka» s'élève à des «dizaines, voire peut-être des centaines» de pièces.

Elle aussi associe le regain d'intérêt pour ce type de vêtements au soulèvement du Maïdan, qui selon elle a permis à l'Ukraine d'exister sur la scène internationale.

«Le monde ne connaissait rien de nous avant cela. Il connaissait l'Union soviétique», précise-t-elle.

La styliste Ioulia Magdytch espère désormais que le vêtement devienne aussi célèbre et prestigieux que «le foulard Hermès, par exemple».

La chemise brodée devrait être «quelque chose d'essentiel» dans une garde-robe, lance-t-elle.