Avec ses vitrines conceptuelles et ses rayons remplis de livres et revues d'art, Ibiki ne ressemble à aucun autre magasin de vêtements. Et c'est tant mieux: son propriétaire Jonah Leslie, 31 ans, se voit comme un directeur artistique, sensible au design, donc, mais aussi à la musique, à la danse et aux arts graphiques.

«Je suis quelqu'un de créatif», assure-t-il. Avec son étagère de livres et revues, sa décoration minimaliste, difficile d'échapper à la dimension artistique d'Ibiki. La boutique de vêtements du boulevard Saint-Laurent préfère présenter des installations en vitrine plutôt que des vêtements.

Pourtant, son propriétaire a un regard très affûté pour les tendances. Sa boutique, qui consacre un étage aux femmes et l'autre aux hommes, capte très bien l'air du temps. Ibiki présente des marques accessibles, à l'esthétique minimaliste. Il y a une dominance du noir et blanc, avec quelques imprimés.

On peut donc y trouver des marques bien connues comme Filippa K, APC, Cheap Monday ou encore Won Hundred et HOPE. Côté accessoires, Ibiki vend quelques sacs de la maison montréalaise WANT Les essentiels de la Vie, et quelques modèles des sneakers phares de la saison (New Balance): une sélection rigoureuse, donc, mais qui a l'avantage de ne jamais devenir luxueuse.

«Les gens qui m'entourent, comme moi, font entre 50 000 et 150 000$ par année. Avec ce salaire, tu ne t'achètes pas des souliers à 800 $, dit Jonah Leslie. En mode, c'est facile de grimper dans les prix, mais pour moi, ce n'est pas réaliste.»

À son image

Ibiki est vraiment une boutique à l'image de son propriétaire. Habillé en noir et blanc, Jonah Leslie arborait d'ailleurs les couleurs de sa boutique quand nous l'avons rencontré.

«Le magasin est une extension de moi, mais je ne suis pas le magasin. Il y a plus en moi que ce projet-là, mais c'est sûr qu'Ibiki est une forme d'expression, qui se développe avec ma personnalité», précise Jonah Leslie dans un français limpide.

Ceux qui le suivent depuis plusieurs années savent qu'il a déjà connu plusieurs incarnations commerciales. En effet, c'est avec sa boutique Old Gold, ouverte alors qu'il n'avait que 23 ans, que Jonah Leslie s'est fait connaître.

Nous étions dans la deuxième moitié des années 2000, et il a créé pour sa petite boutique, sise avenue du Mont-Royal, un décor très rustique et ancien. Face au succès, Old Gold a quitté au bout de cinq ans son petit local pour une nouvelle adresse, boulevard Saint-Laurent. Dans le déménagement, Old Gold est devenue Héritage.

«C'était cinq fois plus grand que mon premier local. Je me suis dit que ça allait me prendre beaucoup d'argent pour faire les choses comme je le voudrais, alors j'ai choisi le branding que j'avais développé pour un projet à Québec qui ne s'est jamais fait, Héritage.»

À la fin de 2013, Jonah Leslie était prêt à faire évoluer son concept. Au revoir, Héritage, bonjour, Ibiki: même adresse, même personnel, mais nouvelle philosophie. Aujourd'hui, le magasin et le projet artistique se complètent.

Touche-à-tout

La grande bibliothèque, dans laquelle on trouve des livres et revues d'art, fait toute la fierté de Jonah Leslie.

«Les livres sont en grande partie sur l'art et le design, il y a des monographies sur des artistes et des mouvements iconiques. Les revues couvrent plus l'art contemporain. J'aime cet équilibre entre les deux», dit-il.

Ne cherchez pas, d'ailleurs, de magazines de mode: il n'y en a pas. «C'est un statement. Le fashion, ce n'est vraiment pas ce qui m'intéresse.»

Fils de deux danseurs contemporains, Jonah Leslie a grandi sur le Plateau. Il baigne depuis toujours dans le monde de la danse (ainsi, apprend-on dans la conversation, son studio est occupé en ce moment par Louise Lecavalier et il compte des amis chez Marie Chouinard) et de l'art.

Jonah Leslie organise des séances photo à Ibiki, mais aussi des projections chez lui. Il a également participé à un événement pour le 50e anniversaire du MAC.

«Je vois vraiment ce que je fais comme de la direction artistique. J'aime les choses plus techniques, comme le branding, faire des vitrines, mais aussi les choses plus artistiques. On est à un âge où c'est possible, mais ça prend quand même beaucoup de sacrifices et beaucoup de temps pour approfondir un médium. Je prends tout cela très sérieusement.»

4357, boulevard Saint-Laurent, Montréal