Propriétaire de Patron-Logic S.P. Inc et enseignante à l'École de métiers du Faubourg de Montréal au sein des programmes Dessin de patron et Confection sur mesure et retouche, Sonia Pennesi nous parle d'une profession-clé de la confection du vêtement, celle de patroniste.

Où, dans la suite logique de production, s'immisce la patroniste? «C'est simple!, s'exclame Sonia Pennesi. Notre travail commence lorsque le designer a terminé son croquis. Notre rôle est de développer un patron à partir d'une idée. Ensuite, le patron est envoyé au coupeur, qui taille un échantillon, un prototype. Ce dernier est cousu par la couturière, avant d'être renvoyé au designer pour essayage, qui en vérifie certains détails: la tombée du tissu, l'ajustement. Le patron nous est alors retourné avec de nouvelles informations, des corrections à apporter. Ce mouvement de va-et-vient peut facilement se répéter de deux à quatre fois avant que le designer soit pleinement satisfait du résultat et que le patron ait trouvé sa forme définitive.»

Si autrefois la bien nommée patroniste s'occupait essentiellement de la conception des patrons, sa tâche s'étend aujourd'hui bien au-delà, et inclut notamment l'étape de la gradation. «La gradation revient à prendre le patron de base, souvent un 10 ans ou un M, et à le reproduire à l'identique dans une déclinaison de grandeurs qui va, selon les standards, du 6 au 16 ans ou du S au XL. Il s'agit d'ajouter ou d'enlever certaines mesures à des endroits précis du patron, dans le but de garder les proportions du modèle», explique Sonia Pennesi.

À ces compétences s'ajoute aussi, dans le cas de certains patronistes, le placement, qui consiste à emboîter tous les morceaux du patron les uns dans les autres de façon à optimiser la quantité de tissu, à l'image d'un casse-tête géant. Cette étape frontalière, qui précède la coupe, peut également être assumée par le coupeur.

L'informatique ou rien

«Tu apprends à maîtriser les logiciels ou tu perds ta job.» C'est la menace que reçoit Sonia Pennesi de son employeur dans les années 90, alors que le milieu de la mode, «avant-gardiste par défaut, mais très en retard du point de vue technologique», commence à s'informatiser. À sa propre surprise, celle qui résiste jusqu'à la fin «pour qu'on lui laisse son crayon entre les mains» tombe en amour avec ces «bibittes» informatiques. «Non seulement mon travail s'en trouvait facilité, mais pour une maniaque de la précision comme moi, l'ordinateur me permettait d'être exacte au millième de pouce près, ce qui, manuellement, était impossible», note cette diplômée du Collège LaSalle.

À cette époque, les artisans qui maîtrisent les rouages de l'informatique sont une denrée rare. De fait, les pigistes qui peuvent prêter main-forte pendant les périodes de surcharge sont peu nombreux. Sonia Pennesi y voit l'occasion rêvée de lancer une entreprise à son compte. En février 1996, elle fonde Patron-Logic. Aujourd'hui, sa clientèle est issue de toutes les sphères de l'industrie du vêtement, de la manufacture au design de mode. Sur sa table se succèdent uniformes (d'infirmière, de dentiste, de pompier, etc.), sous-vêtements, maillots de bain et toute la garde-robe femme, homme ou enfant.

Du patron à la gradation

«J'ai longuement hésité entre l'architecture et les métiers de la mode, souligne Mme Pennesi. Entre les deux, il y a des recoupements. On part d'une esquisse, on la décortique, on l'analyse, on la défait en morceaux, à la recherche du plan qui, une fois assemblé, va devenir un vêtement. À partir d'un dessin en deux dimensions, l'architecte pense l'espace en trois dimensions. De la même manière, de notre côté, nous pensons le corps: sa forme, la pente d'une épaule, la courbure du dos, la hauteur de la poitrine. Il faut visualiser, prévoir toutes les étapes de la confection, jusqu'à la dernière, lorsqu'on crée le patron.»

Une fois le patron terminé, la gradation se fait «tout seule», poursuit Sonia Pennesi. «Par là, j'entends que toute la complexité, le défi, se trouve dans la réalisation du patron de base. La gradation, ce sont des données mathématiques, des formules fixes, qu'on va appliquer aux mesures de départ, selon la différence qu'on veut donner entre les grandeurs [entre 0,5 et 4 pouces].»

Fait intéressant, si le Conseil canadien des normes possède une charte de standardisation des tailles, basée sur des études de morphologie reconduite environ tous les 10 ans, aucun fabricant n'y est assujetti. Le plus souvent, les tailles sont déterminées en fonction du créneau visé, plutôt qu'en fonction d'un barème commun entre les marques, d'où les variations parfois étonnantes de l'une à l'autre.

Sonia Pennesi avoue qu'elle aimerait parfois que son métier soit davantage reconnu. «C'est un métier tellement complet, qui demande une forte capacité d'analyse, une intelligence spatiale et une méticulosité énormes, des habiletés en dessin, en mathématiques, en communication... Et un grand sens de l'observation. Ah, c'est la clé! Mes étudiants rient lorsque je leur dis: quand vous faites votre lavage, tournez les vêtements à l'envers et dans tous les sens, observez comment ils sont faits. Dans la rue, dans le métro, regardez comment tombent les vêtements. S'ils tombent mal, essayez de comprendre pourquoi. Que feriez-vous différemment? Aujourd'hui, je suis incapable de regarder un vêtement sans imaginer le patron dans ma tête.» Déformation professionnelle, dites-vous?

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le métier ne laisse aucune place à l'approximation.

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