Dans Monsieur Hubert de Givenchy, un film de Karim Zeriahen présenté samedi prochain au Festival international du film sur l'art, le célèbre couturier français se raconte pour la première fois. Entretien avec le réalisateur qui viendra présenter son film à Montréal.

> Sur le web: le site du Festival international du film sur l'art

De toute sa vie, Hubert de Givenchy, dernier monstre sacré vivant de la haute couture, n'avait jamais accepté qu'on lui consacre un film. Une seule raison à cela: il déteste l'autocélébration.

Pourtant, sa carrière a été tout simplement exceptionnelle: de 1953, année au cours de laquelle il a créé sa maison de haute couture à Paris, jusqu'en 1988, lorsque le groupe d'affaires tentaculaire LVMH a racheté la célèbre griffe. Le convaincre de se dévoiler face à la caméra relevait donc de l'exploit.

«La première des conditions était que le film ne soit pas diffusé en France, pour des raisons personnelles, raconte Karim Zariahen. Au-delà de notre rencontre, ce qui certainement a pesé dans la balance, c'est qu'il a appris que la chaîne appelée à diffuser le film était Sundance Channel, propriété de Robert Redford».

«Monsieur» a toujours bon goût et reste à l'affût des tendances culturelles cotées!

Aux antipodes de l'autoflagornerie, le film est un document rare, précieux, empreint d'élégance, à l'image du couturier. Le dialogue se déroule dans son somptueux hôtel particulier du 7e arrondissement, à Paris.

«J'ai été touché et frappé par son incroyable pudeur et sa discrétion, qui le conduisent à parler des autres, pour finalement se raconter en filigrane», évoque Karim Zeriahen.

Notamment à travers sa rencontre, fondamentale et déterminante, avec Cristobal Balenciaga, couturier de génie qui fut longtemps son mentor, et sans lequel il ne se serait certainement jamais lancé seul aux manettes de sa propre affaire. Autre personnalité indissociable de la carrière du couturier, l'actrice Audrey Hepburn qui, au fil des ans, est devenue sa plus proche amie, sa confidente, sa muse. «Ils se sont rencontrés peu de temps avant le tournage de Sabrina, film de Billy Wilder, en 1954. L'actrice souhaitait qu'Hubert de Givenchy réalise ses tenues pour le rôle.»

Le film du tyran de la comédie lui aussi parfaitement génial allait provoquer un tournant décisif dans la vie du couturier qui, dans la foulée, fut propulsé au rang de star dans les magazines de mode américains les plus en vue, finalement bien plus qu'en France à l'époque, pourtant sa terre natale.

Pendant plus de 40 ans, Audrey Hepburn incarna l'esprit de la maison. En 1957, elle fut le visage du premier parfum de la maison, L'interdit.

À partir de 1960, les activités de l'entreprise se déployèrent de façon considérable, avec en point d'orgue le lancement en 1968 d'une nouvelle ligne de prêt-à-porter. Autrement dit, une ascension fulgurante.

«Aujourd'hui, retiré de la vie publique depuis plus de deux décennies, Hubert de Givenchy porte un regard sur le passé sans nostalgie, sans remords ni regret, avec cette conviction pourtant que l'époque de la haute couture est révolue, se refusant aussi à commenter l'actuelle politique stylistique de la maison qui porte encore son nom, mais qui ne lui appartient plus», nous confie enfin Karim Zeriahen.

Hubert de Givenchy a su rester secret. Seul moment au parfum passéiste et comique: quand il déplore l'actuelle allure des mannequins, qu'il décrit comme banales, lui qui aimait tant les beautés différentes et atypiques.

Des confidences, sur fond d'images d'archives montées en ordre chronologique, ce documentaire qui sera à la fois le premier et le dernier nous transporte sur le fil de l'élégance d'une carrière hors du commun, vouée à magnifier la femme, toutes les femmes, surtout les plus élégantes. Monsieur Hubert de Givenchy est un témoignage unique d'un grand homme qui a tourné la page d'une mode qu'il a en son temps révolutionnée, et de façon magnifique.

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Monsieur Hubert de Givenchy sera présenté le 24 mars, à 15h30, au Musée de beaux-arts de Montréal.

Info: artfifa.com