De super muse à fidèle collaborateur de Jean-Paul Gaultier, Tanel Bedrossiantz fait partie depuis 26 ans de la vie créative et trépidante du couturier. À peine débarqué de l'avion, nous l'avons retrouvé à quelques pas du Musée des beaux-arts de Montréal, alors qu'il s'affairait aux derniers détails de la mise en scène de l'exposition La planète mode de Jean Paul Gaultier. De la rue aux étoiles. Retour sur les grands moments de sa vie d'égérie.

«J'avais un boubou africain sur la tête, de grandes créoles aux oreilles, et j'étais enveloppé d'un sari lorsque j'ai croisé Jean Paul pour la première fois», se souvient Tanel Bedrossiantz.

Nous sommes en 1985, il a 17 ans et un sens aigu de la mode, ce qui n'est pas pour déplaire au couturier. Comme ce dernier, c'est un vrai Parigot. Tanel est né en proche banlieue d'une mère française et d'un père Arménien, un mariage qui a donné naissance à un physique métissé hors norme et à une gueule à l'incomparable personnalité, très loin des clichés de beauté ambiante que la société donnait à voir.

À peine quelques jours plus tard, Jean Paul Gaultier le convoque pour son défilé intitulé Joli Monsieur (septembre 1985). Instantanément, Tanel accède au suprême statut de muse absolue. Désormais plus rien ne se fait sans lui. «Jean Paul est un homme très fidèle et cela se traduit aussi bien en amitié que dans le travail. Il aime être entouré de sa tribu. Ça le stimule, ça le rassure, ça l'amuse, ça l'inspire!» confie le sculptural Parisien.

C'est ainsi qu'en 1995, il apparaît grimé en femme dans le clip du premier parfum féminin du créateur, le fameux Classique, réalisé par Jean-Baptiste Mondino. On l'entend dire: «J'ai toujours rêvé d'avoir de gros seins».

À l'évocation de cette campagne, Tanel esquisse un sourire, puis analyse: «Jean Paul aimait me faire porter les tenues les plus improbables ou me placer dans les situations les plus dingues... cela participait certainement à booster son insatiable créativité.»

Pour la collection printemps-été 1996 intitulée Pin-Up Boys, le couturier le rhabille en tenue de marin... rose fluo, laissant voir une partie rarement montrée de l'anatomie masculine: le bas du ventre. Point d'orgue du défilé: une longue robe à l'imprimé léopard enveloppe ses 6 pieds 4, un noeud serre-tête entoure son crane rasé. «Et c'est sans compter la dizaine de robes de mariées, le clou des défilés, que j'ai portées!»

On est au coeur de ce qui fait vibrer Jean Paul Gaultier: le féminin-masculin, le masculin-féminin, l'éclectisme, le mariage des genres et des cultures, le métissage... que Tanel incarne à la perfection. «Être l'égérie de Gaultier, c'était comme être dans un rêve... fou!»

Tanel se remémore un défilé à Los Angeles aux côtés de Madonna pour le gala de l'AMFAR, la célèbre fondation en faveur de la recherche contre le sida. Rachel Welch, Faye Dunaway, les Red Hot Chili Peppers ou encore Billy Idol font aussi partie de la distribution. Sacré moment d'émotion! De super égérie, il devient «l'assistant inspirant» du créateur et son plus fidèle collaborateur jusqu'à aujourd'hui. Il est sur tous les fronts, du choix des mannequins pour les défilés, jusqu'au choix des accessoires qui accompagneront les tenues présentées au cours de l'exposition.

En 2007, Tanel quitte la maison Gaultier pour une très courte parenthèse de deux ans. «J'ai très vite réalisé que je ne pouvais pas me passer de l'incroyable énergie créative de Jean Paul. Et puis, c'est l'une des rares maisons de couture où l'on est encore libre de tout. C'est un luxe inestimable!».

C'est ce qui nous sera présenté dès le 17 juin prochain au Musée des beaux-arts de Montréal.