Des créateurs, des mannequins, des défilés, des acheteurs, des journalistes et même de curieux infiltrés: voilà le savant mélange qui compose une semaine de mode. À la veille de sa 20e présentation, annonciatrice des tendances hivernales 2011-2012, que faut-il penser de la Semaine de mode de Montréal?

Cette année, les organisateurs de la Semaine de mode de Montréal ont choisi de devancer l'événement d'un bon mois, «afin d'attirer un plus grand nombre d'acheteurs des grands magasins de vêtements du monde entier et de journalistes internationaux, qui, ensuite, poursuivront leur voyage vers la Fashion Week de New York, explique Chantal Durivage, cofondatrice de Sensation Mode, qui organise l'événement. Notre but ultime est de faire connaître nos créateurs et de les aider à améliorer leurs ventes. En présentant les défilés en avril, on arrivait bien trop tard dans l'agenda international», indique-t-elle.

Du côté des designers, ce changement de dates a créé un vent de panique. Jusqu'à la semaine dernière, Denis Gagnon ne devait pas défiler. Mais pouvait-on imaginer une 20e Semaine de mode de Montréal sans le très médiatisé couturier? Non! Le créateur s'en amuse et confie: «C'est vrai qu'on m'a finalement convaincu, mais je dois avouer que je me sens également responsable et investi d'une mission auprès de ma communauté. J'ai tout fait pour être en mesure de défiler. Pendant que j'y suis, je vous l'annonce en exclusivité: il y aura beaucoup de couleurs, du jaune, du fuchsia, et puis des doudounes, de la fausse fourrure...»

Pour Philippe Dubuc, le changement de dates a été fatal: «J'aurais aimé y participer, mais cela tombe en même temps que Première Vision à Paris, foire internationale des tissus, où j'achète toutes mes matières premières. Ce sera pour une prochaine fois...» dit-il.

En résumé, il y aura la semaine prochaine (du 7 au 10 février) 20 défilés, trois présentations hors site, une exposition, 40 exposants dans le cadre du Showroom, 250 acheteurs confirmés, des fêtes, des cocktails et des buffets sur lesquels se rueront aussi d'amusants et perpétuels affamés mondains...

Photo: Carl Lessard

Collection Harricana

Un bon événement en perspective? Pour Jean-François Daviau, cofondateur de Sensation Mode, la réponse est sans équivoque: «Certainement! Et de manière plus générale, au cours des dernières années, la Semaine a pris une vraie importance au Québec et en Amérique du Nord.»

Léger bémol: il serait vain de comparer l'événement à ceux plus retentissants des grandes capitales de la mode comme Paris, Londres, New York ou Milan. Selon Chantal Durivage, de Sensation Mode, «cela reste malgré tout une semaine alternative, avec une vraie qualité de design et de confection, certainement due à l'influence européenne qui domine à Montréal».

De l'avis de la créatrice Marie Saint Pierre, la Semaine de mode de Montréal a du mal à grandir et à se renouveler en raison de son petit bassin de créateurs. «Mais ne pas grandir n'est pas négatif non plus», dit-elle.

Denis Gagnon croit, quant à lui, qu'une aide du gouvernement et des entreprises privées serait souhaitable. «Un défilé, ça coûte cher et, par manque de moyens, nombreux sont les jeunes créateurs qui ne peuvent pas se le permettre», explique-t-il. Coût d'un défilé? De 10 000$ à 40 000$.

Philippe Dubuc ajoute: «Défiler deux fois par an représente beaucoup trop d'investissement pour de petites structures comme les nôtres, et pour des retombées, tout compte fait, qui ne sont pas assez importantes.»

«Actuellement, la contribution du gouvernement provincial équivaut à 15%, voire 20% du budget final, soit 2 millions par événement, c'est franchement significatif, souligne Jean-François Daviau, de Sensation Mode. Il faudrait plus d'investisseurs privés et c'est ce qu'on tente d'obtenir.»

Qui voir?

En matière de défilés, «les valeurs sûres, comme Marie Saint Pierre, sont plus présentes et investies que jamais cette année, analyse Chantal Durivage. Quant à la nouvelle garde, Barilà, Annie50, Bodybag by Jude, Mélissa Nepton, Valérie Dumaine et quelques autres, elle prend de plus en plus de place, sans oublier la relève: Mulcair, Anomal Couture, le collectif avec Thomas, Christian L'Enfant Roi, Samuel Mercure...»

Évidemment, il y aura toujours des détracteurs pour déplorer des défilés parfois démunis en créativité, l'existence d'un seul et unique lieu (ou presque) pour toutes les présentations, une couverture médiatique internationale quasi inexistante... mais nul n'est prophète en son pays.

«Soyons toujours plus fous, plus créatifs, plus exigeants, plus autocritiques, bref créons l'événement!» lance Philippe Dubuc.

Photo: Sébastien Roy

Collection Anomal Couture