Une trentaine de nouveaux cafés progressifs, deux camions, des microtorréfacteurs de pointe, des baristas chouchous... il s'en est passé des choses depuis la publication de notre dossier «Métro, espresso, boulot», le 17 octobre 2011. Trois ans plus tard, une nouvelle liste s'imposait.

En 2011, Montréal comptait à peine une dizaine de cafés de troisième vague, ces cafés qui mettent l'accent sur l'origine et le bon traitement de leurs grains. Mais en trois ans, cette fameuse vague a gonflé considérablement, si bien que l'on compte aujourd'hui une quarantaine de ces vrais cafés progressifs dans la métropole.

Kevin Floether était barista en chef chez LIT Espresso Bar à Toronto, ce qui lui permettait en même temps de contrôler la qualité du torréfacteur maison, Pig Iron. Il est arrivé à Montréal il y a quelques mois pour prendre la relève de la torréfaction chez Kittel, considéré par le milieu comme l'unique torréfacteur de cafés «de spécialité» à Montréal. Celui qui occupait ce poste avant lui, Chris Durning, vient de se joindre à Chrissy Durcak et Jordan Crosthwaite, de Dispatch, pour lancer un nouveau café-atelier de torréfaction à la fine pointe, qui suit de près l'ouverture d'un comptoir à café à l'Université McGill et le remisage du camion à café Dispatch pour l'hiver. Le nouveau lieu, dans le Mile-Ex, doit d'ailleurs ouvrir ses portes ce week-end.

«Je ne pourrais être plus impressionné par le milieu du café à Montréal, déclarait Kevin Floether, il y a quelques semaines, lors d'une dégustation dans les ateliers de Kittel. C'est une des villes canadiennes les plus dynamiques et progressives sur le plan du café «de spécialité». Je regrette seulement qu'il y ait peu de torréfacteurs de style troisième vague ici. C'est pourquoi je suis bien excité de voir ce que Dispatch va faire. La concurrence nous oblige à grandir et chez Kittel, nous sommes justement prêts à avoir de la concurrence!»

Un peu partout dans le monde, le milieu du café progressif est reconnu pour sa solidarité et son sens de la camaraderie. Nous l'avons vu récemment lorsque bon nombre de propriétaires de cafés, baristas, journalistes et clients se sont retrouvés au cinéma Excentris pour assister à une projection unique de A Film About Coffee organisée par Bianca Lavoie, auteure du blogue Cafefrenchtoast.com

Trop de cafés? Non!

Chris Capell, propriétaire du café Le Couteau, se réjouit de cette solidarité et aimerait même voir encore plus de cafés issus de la troisième vague à Montréal. «Lorsque je regarde les villes où les cafés progressifs sont maintenant bien établis, comme Vancouver, Seattle, Portland, par exemple, je constate qu'ils sont beaucoup plus avancés que nous. Je devinerais qu'ils ont peut-être trois fois plus de cafés que Montréal, avec des populations inférieures à la nôtre. Les cafés progressifs peuvent encore détourner un grand nombre de clients des chaînes, qui, elles, se foutent de la qualité.

«De plus, poursuit-il, il y aurait tout un marché à développer chez les jeunes pour qui la source principale de caféine vient des boissons énergisantes, fort probablement parce qu'ils ont été dégoûtés par leur premier contact avec le café. Servons-leur du café bien préparé, au goût vraiment excellent, et ils seront accrochés pour la vie!»

Chez Dispatch Coffee, on insiste sur les effets bénéfiques du commerce direct, plus payant pour les producteurs que le commerce équitable, et qui favorise donc de meilleures conditions de travail. «D'un point de vue éthique, il faut absolument que les gens se tournent vers ces lieux qui servent des cafés de microtorréfacteurs pratiquant le commerce direct avec les fermiers et les coopératives, déclare Chris Durning, torréfacteur en chef. Comme nous avons pu le constater en voyant A Film About Coffee, les conditions des travailleurs de fermes à café sont encore déplorables. Ça n'a aucun sens que les chaînes puissent vendre du café à 1 dollar. Ce n'est absolument pas viable.»

«D'après moi, la quatrième vague du café, ce sera celle qui offrira réellement de meilleures conditions aux travailleurs du café, renchérit Chrissy Durcak, fondatrice de Dispatch. Mais avant que ça arrive, il faudra que tous les cafés suivent le modèle de la troisième vague. Il faudra une nouvelle génération de consommateurs de café. Aux États-Unis, Blue Bottle s'est décidée à devenir la première chaîne de troisième vague pour faire concurrence aux géants. Elle a déjà une quinzaine de cafés et a l'intention d'en ouvrir plusieurs autres.»

Quelques obstacles

À Montréal, la révolution du café n'est pas sans obstacle. La main-d'oeuvre qualifiée se fait de plus en plus rare. Un bon programme de formation pour baristas ne serait pas un luxe, croit Chrissy Durcak, qui peine à trouver du personnel pour ses nouveaux cafés.

«Ouvrir un café, c'est une chose. Le faire rouler et en tirer un revenu décent, c'est le bout que les nouveaux venus oublient souvent, raconte Bianca Lavoie, auteure du blogue Cafefrenchtoast.com et confidente des cafetiers. Plusieurs d'entre eux ont quitté des emplois payants pour ouvrir un café. Et là, ils réalisent que ça prend des années avant de gagner de l'argent. Je ne crois pas que la vague d'ouvertures de cafés s'essoufflera au point de s'arrêter, mais je crois que certains commerces moins ferrés vont fermer leurs portes ou s'associer, pour souffler un peu et se concentrer sur un seul aspect de leur entreprise.»

Et finalement, reste le poids de la tradition et des goûts qui, selon certains, ne se discutent pas! «À Montréal, la transition est peut-être un peu plus longue et difficile que sur la côte Ouest, par exemple, parce que nous avons une forte tradition de café français et italien. Mais ça viendra», conclut Chris Durning.

> Relisez notre reportage Métro espresso boulot à www.lapresse.ca/cafe. Ce reportage date de 2011, et beaucoup de choses ont changé depuis dans le monde du café (ouvertures, fermetures, etc.). Veuillez en tenir compte en le consultant.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Café Formule expresso bar