Peu importe son nom, Kei Kobayashi ne fait pas de la cuisine japonaise. Tout en préparant des cuisses de grenouille, le chef étoilé parle terroir, de la Provence à l'Alsace, et ajoute sa touche personnelle à la gastronomie française, comme de nombreux chefs nippons installés dans l'hexagone.

Il a 34 ans, un visage enfantin, des cheveux blonds décolorés en brosse, mais il est déjà à la tête de son restaurant, Kei, qui compte 16 employés, dans le premier arrondissement parisien. Ouvert en 2011, il a décroché sa première étoile au guide Michelin l'année suivante.

Kei Kobayashi est né à Nagano au Japon, d'un père cuisinier. Il a découvert la gastronomie française à la télévision dans une émission avec le cuisinier Alain Chapel. Le premier chef avec qui il a travaillé, au Japon, lui racontait l'histoire de la cuisine française, lui expliquait «comment faisait Robuchon». «Donc je me suis dit qu'il fallait aller en France», se souvient-il.

«Pour moi, la cuisine française, c'est le terroir. J'aurais aimé faire le tour des régions, mais je n'ai pas eu assez de temps», raconte-t-il à l'AFP. Il a travaillé dans l'Aude, chez Gilles Goujon, chef aujourd'hui trois étoiles, en Provence, en Alsace, en Bretagne.

«Puis je suis monté à Paris», pour travailler au Plaza Athénée, avec Alain Duca<Wsse et Jean-François Piège, raconte-t-il. Le premier préface d'ailleurs le livre Kei, qui vient d'être publié aux éditions du Chêne.

«Bien sûr que je fais de la cuisine française», dit fièrement le chef. Il explique que c'est celle qu'il connait le mieux. «J'ai appris ses techniques, ses cuissons». Il y a aussi une esthétique et des saveurs japonaises dans ses plats: les couleurs de sa salade de légumes croquants, son vacherin à la fraise avec une glace miso. Ses voyages, en Italie, Thaïlande, l'inspirent également.

Son rêve? D'autres étoiles, bien sûr. Et peut-être ouvrir une brasserie à Paris, se faire connaître ailleurs dans le monde.

Deux cuisines qui s'attirent

Il suffit de feuilleter le guide Michelin pour comprendre que Kei Kobayashi n'est pas un cas isolé. Une vingtaine de chefs japonais, installés un peu partout dans l'hexagone, sont étoilés. À Paris, les tables Passage 53 (le seul deux étoiles) et ES sont très courues. Mais il y a également Takao Takano à Lyon, La table de Breizh café à Cancale (Ille-et-Vilaine), La Cachette à Valence (Drôme), etc.

Pour Eric Briffard, le chef deux étoiles du Cinq, le restaurant du George V à Paris, les gastronomies japonaise et française sont à l'origine «deux cuisines opposées, mais qui se sont attirées et assemblées».

Il y avait la première, dans «le dépouillement, l'équilibre alimentaire», et «la nôtre qui voulait en mettre plein la vue», analyse le chef, passionné par le Japon où il s'est rendu une soixantaine de fois.

Dès la fin des années 80, des chefs japonais qui rentraient chez eux après avoir été formés en France excellaient en cuisine française, raconte-t-il. «Depuis quelques années, des Japonais s'installent en France et apportent un supplément d'âme à la cuisine française», se félicite Eric Briffard.

«Être reconnus en France leur apporte une grande notoriété dans leur pays», souligne-t-il.

L'un des derniers chefs japonais à s'être installé à Paris en est bien conscient. Atsushi Tanaka, 34 ans, qui a le chef Pierre Gagnaire pour «mentor», est venu à Paris «pour se lancer». «Paris, ça bouge beaucoup. Il y a une culture de la gastronomie et davantage une clientèle internationale qu'à Tokyo», explique-t-il.

Un mois après son ouverture, son restaurant A.T affiche déjà complet. Avec sa cuisine, «ni française, ni japonaise», mais plutôt «internationale», il espère décrocher une étoile au Michelin et qui sait, entrer dans le classement du World's 50 best restaurants, auquel il est souvent reproché en France de négliger la gastronomie française.