En déménageant dans une maison des années 60, Geneviève Reda a eu une mauvaise surprise quand est venu le temps d'installer son mobilier et, surtout, ses électroménagers. Dans la cuisine, son réfrigérateur acheté à peine 18 mois plus tôt n'entrait tout simplement pas dans l'espace prévu à cet effet.

Le propriétaire de l'entreprise Antique Électro, à Sherbrooke, voit très souvent de telles situations. Lorsque François Dubuc a commencé à réparer des électroménagers il y a 20 ans, les plus gros réfrigérateurs mesuraient 18 pi3. Aujourd'hui, la moyenne (et non les plus gros!) tourne aux alentours de 20 pi3. «Aujourd'hui, les frigos dépassent très souvent les armoires de la cuisine», raconte-t-il.

Les réfrigérateurs grossissent-ils parce que les familles du XXe siècle mangent davantage? Pas tout à fait, estime celui qui se consacre désormais à acheter, réparer et revendre uniquement de vieux électroménagers. Ce sont plutôt les méthodes de conservation des aliments qui ont évolué.

En Amérique du Nord, les consommateurs se rendent souvent au supermarché le samedi ou le dimanche afin de faire les provisions pour tout le reste de la semaine, remarque-t-il. Et surtout, elles ont tendance à emplir les tiroirs de leur réfrigérateur de fruits et de légumes frais.

«Dans le temps, si on recule dans les années 50 et 60, je me rappelle très bien que j'allais chercher les patates dans le caveau, en bas, chez ma grand-mère. Il y avait toujours un coin plus frais dans un fond de sous-sol où nos aïeuls gardaient les légumes qui poussaient dans le jardin l'été. Ils remplissaient le caveau de patates, de carottes, de navets. Ils n'encombraient pas le frigo», raconte M. Dubuc.

Dans les premiers réfrigérateurs électriques, les familles conservaient principalement leur lait et la viande qu'ils achetaient à la boucherie au fur et à mesure de leurs besoins. Ceux qui avaient une fermette préféraient encore conserver leur viande en la fumant, en la salant ou en préparant des conserves.

«J'ai des livres des années 30 sur l'économie familiale et les mentions sur la conservation par congélation sont assez rares. La congélation, c'est assez nouveau aussi comme moyen de conservation. On faisait des conserves, on séchait les poissons, ce sont toutes des méthodes qui ont changé au fil des années», raconte-t-il.

Changement de consommation

En plus des changements dans les méthodes de conservation, ce sont également les habitudes de consommation qui ont évolué, souligne Steve Preiner, directeur du marketing de Bosch, une entreprise qui fabrique des réfrigérateurs. Les Européens, par exemple, vont se rendre presque chaque jour à l'épicerie ou au marché pour acheter ce qu'il leur faut pour les repas. En Amérique du Nord, les consommateurs vont visiter un peu moins souvent le supermarché, mais ils vont faire des provisions pour quelques jours, voire pour la semaine au complet. Résultat: pour répondre aux besoins différents des consommateurs des deux continents, Bosch vend des réfrigérateurs plus petits en Europe.

«Règle générale, les consommateurs au Canada et aux États-Unis achètent une plus grande quantité d'aliments en plus grand format, comme les formats club, et plusieurs des aliments dépanneurs si populaires aujourd'hui sont offerts dans de très grandes boîtes, comme la pizza surgelée et les doigts de poulet, affirme-t-il. Avec de plus grands articles à ranger, un plus grand réfrigérateur s'avère utile.»

Illusion d'optique

Dans la collection de réfrigérateurs de M. Dubuc, certains appareils datent des années 20. Le tout premier qu'il a acquis était même marqué d'un numéro de téléphone à cinq chiffres. C'est pour dire!

Dans son atelier, les modèles des années 20 et des années 30 dépassent rarement les 5 pi3. Pourtant, ils semblent beaucoup plus gros. «Le meuble était gros, mais l'intérieur était tout petit. L'isolation était épaisse et les frigos avaient souvent un panneau dans le bas. Lorsque les gens voient ces modèles, ils croient que ce panneau, c'est le congélateur. Mais non! C'est l'accès à la mécanique. Il faut dire qu'à l'époque, on étudiait moins la perte d'espace.»

La mécanique des premiers appareils était beaucoup plus robuste que celle d'aujourd'hui, affirme M. Dubuc. Lorsqu'il acquiert un appareil des années 30, il ne remplace que le câblage électrique qui s'est desséché avec le temps. Une fois que les fils sont changés, la mécanique se remet à fonctionner comme une neuve... de quoi accroître la nostalgie du bon vieux temps.