Il suffit de se promener quelques minutes dans le Quartier chinois de Montréal pour constater l'omniprésence des soupes tonkinoises et des rouleaux printaniers. Le Vietnam fait maintenant partie du paysage culinaire des Québécois. Mais il est beaucoup moins présent dans leur propre cuisine. Lilly Nguyen a décidé de remédier à la situation en écrivant un livre où elle démystifie cette gastronomie orientale.
Lilly Nguyen a grandi dans un monde de ragoût de boeuf à la citronnelle et de soupe au crabe, mais aussi de hot-dogs et de sirop d'érable. Arrivée au Québec à l'âge de 4 ans, elle a baigné dans les deux cultures. «La nouvelle génération est de moins en moins attachée à ses racines. On ne parle pas vietnamien entre nous. Ce qui nous rapproche, c'est la cuisine», constate la relationniste de métier.
Et la cuisine vietnamienne ne rassemble pas seulement les immigrés de la péninsule indochinoise: les papilles gustatives de nombreux Québécois de toutes origines se sont habituées aux arômes de citronnelle, de coriandre ou de gingembre, caractéristiques de ses plats. Si les Québécois sont friands de cuisine asiatique et n'hésitent pas à confectionner eux-mêmes leurs sushis ou leur pad thaï, moins nombreux sont ceux qui préparent des plats vietnamiens dans le confort de leur maison. «Mais c'est vraiment à la portée de tous», assure Mme Nguyen, auteure de Baguettes et fourchette, écrit en collaboration avec le critique gastronomique et collaborateur à La Presse Robert Beauchemin.
Lilly Nguyen est une véritable passionnée de cuisine. Elle dévore les livres de recettes de tous genres. Mais quand vient le temps de mitonner des plats typiques de son pays d'origine, ou de répondre aux questions de ses amis qui désirent apprendre à cuisiner eux-mêmes leur porc à la vietnamienne, elle s'est rendu compte de certaines lacunes sur les tablettes de sa bibliothèque. Devant ses chaudrons, elle-même devait se résoudre à un bon vieux truc: appeler sa mère.
«Ma mère a ramené du Vietnam des feuilles mobiles avec des recettes traditionnelles», dit-elle. Au fil du temps, elle les a modifiées et adaptées à ce qu'elle trouvait ici. «Il y a 20 ans, trouver des feuilles de riz, c'était la fin du monde!» illustre Lilly Nguyen en riant. Aujourd'hui, il est beaucoup plus facile de trouver les ingrédients nécessaires à la confection de plats vietnamiens, de la sauce de poisson aux vermicelles. Même si les épiceries asiatiques sont moins nombreuses et moins garnies à Montréal qu'à Toronto ou Vancouver.
Une cuisine recherchée
Malgré tout, la cuisine vietnamienne n'a pas le même statut huppé que la cuisine japonaise, par exemple. «La cuisine vietnamienne ne s'est pas aidée, déplore Mme Nguyen. C'est une cuisine qui est toujours restée abordable, à bas prix. Les gens se disent que c'est du bas de gamme.» Il s'agit pourtant d'une cuisine recherchée, travaillée. Pour bien réussir une soupe tonkinoise, il faut la laisser mijoter au minimum 12 heures, voire 48 heures dans les restaurants.
Les habitudes alimentaires des Vietna-miens sont aussi méconnues sur leur terre d'accueil. Au Vietnam, on mange la soupe tonkinoise... le matin. «S'il y avait un restaurant qui servait de la soupe à 7h du matin à Montréal, je serais la première en file», affirme Mme Nguyen. La tradition est cependant conservée dans beaucoup de maisons vietnamiennes. La mère de Lilly Nguyen prépare la soupe le soir, la dépose sur son balcon, dans la neige, pour la nuit; le matin, elle dégraisse le bouillon et le remet à chauffer avant de le servir au déjeuner.
La soupe est toujours présentée avec une assiette composée d'herbes, comme la coriandre, le basilic asiatique et la menthe. Chacun ajuste ensuite les parfums dans son bol. Pour un souper vietnamien servi dans les règles de l'art, en famille ou entre amis, on dispose sur la table un bol de riz pour chaque convive, un plat de légumes, une soupe à partager, un plat salé par deux personnes et des condiments. La notion de partage est très importante. «On met les plats dans le milieu et tout le monde pige», explique Mme Nguyen. Les Vietnamiens se divisent aussi les litchis, les durians et autres fruits exotiques apportés à leurs hôtes en guise de cadeau.
La cuisine vietnamienne a été influencée par les plats chinois, thaïlandais et français. «C'est une cuisine traditionnelle, mais les gens s'ouvrent de plus en plus», note Mme Nguyen. Ainsi, on retrouve des Italiens qui cuisinent des pizzas dans le pays de ses ancêtres. Lilly Nguyen aimerait voir la cuisine vietnamienne évoluer aussi parmi la diaspora, la voir devenir un peu plus audacieuse. Elle-même n'hésite pas à marier les saveurs des deux cultures qui l'habitent, en utilisant par exemple du sirop d'érable dans sa recette de poisson au caramel. «Je dis toujours aux Vietnamiens d'essayer un peu», dit-elle.
CARNET D'ADRESSES DE LILLY NGUYEN Grand Montréal
Kim Phat
3588, rue Goyer, Montréal
3733, boulevard Jarry Est, Montréal
7209, boulevard Taschereau Ouest, Brossard
Épicerie Kien Xuong
1076, boulevard Saint-Laurent, Montréal
Kien Vinh
1062, boulevard Saint-Laurent, Montréal
Marché Hawaï
1999, boulevard Marcel-Laurin, Saint-Laurent
Marché Kei Phat
4215, boulevard Jarry Est. Saint-Léonard
Marché oriental Saint-Denis
7101, rue Saint-Denis, Montréal
Québec
Épicerie Traiteur La Montagne Dorée
652, rue Saint-Ignace, Québec
Épicerie Lao-Indochine
538, avenue des Oblats, Québec
Aliments Toyo
3400, chemin Des Quatre-Bourgeois, Sainte-Foy
J'ai lu
Baguettes et fourchette de Lilly Nguyen, Éditions La Presse
Le livre, écrit en collaboration avec le critique gastronomique Robert Beauchemin, est conçu pour démystifier la cuisine vietnamienne, mais aussi sa culture. Entre les différentes recettes, on retrouve des informations sur la signification du deuil ou du mariage chez les Vietnamiens ou sur l'origine du populaire nom Nguyen. Pour faciliter les emplettes, une partie détachable avec des produits vietnamiens illustrés et un carnet d'adresses a été ajoutée à la fin du bouquin.
Environ 34,95$ en librairie.