«Bientôt, on jugera les vins au poids!» ironisait Christian Moueix il y a quelques années, à table, à l'occasion de ce grand événement annuel qu'est Montréal Passion Vin.

D'une famille à laquelle appartiennent plusieurs domaines prestigieux du Bordelais notamment les Pomerols Châteaux Lafleur-Pétrus, Pétrus et Trotanoy , il se moquait ainsi... de ces amateurs qui jugent les vins rouges d'abord et avant tout à leur degré de concentration.

 

Car (qui l'ignore?), il existe telle chose qu'une religion de la concentration!

Le dogme que cette religion professe pour en rester avec la même métaphore est simple: plus un vin rouge est coloré, dense, concentré, meilleur il est. Est-il noir comme la nuit, on le bénit, même s'il tombe dans l'estomac comme une roche!

Enfin, la même religion a ses chantres, ainsi que ses fidèles...

L'amateur éclairé et le connaisseur, eux, sont par définition des incroyants!

Ils écoutent, prennent l'avis de Pierre-Jean-Jacques, et même des dégustateurs patentés (journalistes, sommeliers, représentants en vins, etc.), mais, fidèles à leurs principes, ils n'achètent jamais, du moins au départ, plus d'une bouteille du vin qui leur est recommandé.

Ces mécréants se fient en effet avant tout à leur goût. Autrement dit, avant de faire provision, ou pas, de tel ou tel vin, ils commencent par le goûter.

La différence entre l'amateur éclairé et le connaisseur?

Tous deux ont un palais sûr, exercé, la différence étant que le connaisseur pousse les choses un peu plus loin.

Car il a davantage d'expérience et, avec de la chance, il lui arrive ainsi de découvrir, à l'aveugle, non seulement le pays d'origine de tel ou tel vin, mais également l'appellation, le millésime... et parfois même (rarement) son producteur.

Pour en revenir à la famille Moueix, et malgré le niveau de concentration parfois élevé de certains de ses vins, notamment du célébrissime Château Pétrus, elle a pour dogme de ne jamais faire de vins «noirs», comme l'expliquait ce jour-là (c'était en 2004) Christian Moueix.

Quatre vins rouges

Ainsi, ce n'est pas la concentration qui retient l'attention dans le cas du Givry 1er cru Les Bois Chevaux Didier Erker. Lequel, dégusté côte à côte avec deux mastodontes espagnols, tous deux beaucoup plus chers, m'est apparu nettement plus aimable et digeste, et qui est finalement celui que j'ai bu.

Rouge clair, quoiqu'assez coloré pour un bourgogne, son bouquet, d'ampleur moyenne, bien Pinot noir, associe fruits rouges à quelques notes de fruits cuits. Et la bouche suit, au plus moyennement corsée, légèrement tannique, et, sans qu'elle soit vraiment complexe, pourvue malgré tout de ce charme propre à la Bourgogne. 13% d'alcool (174 caisses disponibles).

S, 880492, 26,30$ HHH ou 16,2/20, $$$, 2009-2011.

Même chose pour ce qui est de ce joli Morgon 2007 Louis Tête, qui est un vin peu concentré, au bouquet délicat, net, sans rien de ces notes un peu végétales qui déparent certains beaujolais, plutôt léger au plan gustatif et aux saveurs franches. Peu tannique, et savoureux, à servir frais. Mais... on le souhaiterait moins cher (149 caisses).

S, 961185, 18,20$, HH 1/2 15/20, $$, 2009.

Moins cher, le Rubicone 2007 IGT Sangiovese Merlot Poggio al Drago, d'Émilie-Romagne (Italie), bien coloré quoique sans rien d'opaque, se présente avec un bouquet alléchant, de fruits rouges et noirs, mais fort difficile à décrire plus précisément. Est-ce le Merlot? Plus que moyennement corsé. Les fruits rouges dominent en bouche, le tout sur des tannins bien enrobés. Très bon, à prix doux (119 caisses).

S, 10780469, 14,50$, HHH 16,2/20, $ 1/2, 2009-2010.

Mais, naturellement, la concentration, bien dosée et donc sans excès, n'est pas un défaut, au contraire, comme le montre par exemple ce très beau vin rouge d'Australie qu'est le Barossa Valley 2006 Shiraz Woodcutters Torbreck, très coloré et quasi opaque, et dont le bouquet, de fruits noirs, expressif, est marqué par des notes fumées bien présentes (le bois). Suit une bouche charnue, serrée, au boisé bien perceptible, mais le vin a toute la matière voulue pour le prendre. Enfin, c'est un vin dépourvu d'arômes d'eucalyptus, ou de menthe, contrairement à beaucoup d'autres vins rouges d'Australie (109 caisses).

S, 10662981, 24,70$, HHH 1/2, 17,5/20, $$$ 1/2, 2009-2013?

Né d'une coentreprise formée par le premier grand cru classé de Saint-Émilion Cheval Blanc et la société Terrazas de los Andes, d'Argentine, le Mendoza 2005 Cheval des Andes va dans le même sens. Vin conçu à la bordelaise, par l'assemblage de plusieurs cépages (60% Malbec, 26% Cabernet Sauvignon, 7% Merlot et 7% Petit Verdot), et élevé 18 mois en fûts neufs de chêne français, d'un pourpre-violacé à peu près opaque, avec un bouquet ample, dominé par le Malbec, aux arômes comme de cerises noires et aux notes épicées-boisées bien présentes sans que ce soit excessif, il réussit en effet le tour de force d'être dense, concentré, et donc puissant, tout en restant parfaitement équilibré, grâce notamment à son velouté de texture. Excellent, mais (Cheval Blanc oblige!) ce n'est pas donné. Grand vin (57 caisses).

S, 10692354, 76,50$, HHHH 18,2/20, $$$$$, 2009-2016?

Un repas-dégustation

La deuxième édition du grand repas-dégustation mettant en vedette la gastronomie et les vins d'Italie, qu'organise la Fondation de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie en collaboration avec la Délégation commerciale d'Italie, mettra en vedette 17 vins et autant de viticulteurs renommés (Piero Antinori, Maurizio Zanella, Piero Incisa della Rochetta, etc.), lesquels seront présents autour d'un repas de six services conçu par des élèves de l'Institut. La Notte di Gastronomia e di Grandi Vini Italiani, à laquelle on attend quelque 400 personnes, aura lieu en soirée, à partir de 18h, le vendredi 27 février, à l'hôtel Hilton Montréal Bonaventure. Entrée: 400$. Réservations, 514 282-5106, et ithq.qc.ca/fr/fondation

La recommandation de la semaine

Même des appellations modestes telles que Bordeaux et Bordeaux supérieur peuvent donner de fort bons vins. À preuve, le Bordeaux Supérieur 2006 Cuvée Prestige Château Séguin, fait principalement de Merlot (50 %) et de Cabernet Sauvignon (40 %), et d'un peu de Cabernet franc (10 %), d'un pourpre soutenu et à reflets violacés, dont le bouquet, aux notes florales, genre violettes, et de fruits noirs, s'accompagne d'un boisé de qualité (élevage d'un an en fûts). La bouche n'est pas en reste, d'une bonne concentration, relativement corsée, bâtie sur des tannins bien enrobés. Très bon Bordeaux, donc (537 caisses).

S, 10258486, 22,05 $, HHH, 16,8/20, $$ 1/2, 2009-2014.

Dégustés pour vous

Bordeaux 2007 Sauvignon-Sémillon La Grande Chapelle. Vin blanc tout en fruit, au bouquet dominé par le Sauvignon blanc, mais sans excès aromatiques. Non boisé, plutôt léger et renfermant un peu de gaz carbonique, c'est un vin à boire en apéritif ou pour accompagner un poisson, des fruits de mer, etc. Fort bon (802 caisses).

C, 47 357, 13,95$, hh, 14,8/20,$ 1/2, 2009.

Columbia Valley 2006 Merlot Washington Hills. Vin rouge de l'État de Washington, de Merlot (80%) associé au Cabernet franc (20%), d'un rouge assez soutenu et au bouquet de fruits rouges... on ne peut plus Merlot! Moyennement corsé, non boisé, souple, c'est un vin genre jus de fruit, qui ne manque pas de charme (399 caisses).

C, 10 846 641, 14,95$, hh, 14,2/20,$ 1/2, 2009.

Hunter Valley 2005 Shiraz Margan. Vin rouge de Syrah d'Australie, au bouquet de bonne ampleur, discrètement boisé et aux arômes de fruits noirs, également sans excès aromatiques (genre eucalyptus). Élevé en fûts de chêne français, assez corsé, charnu, ses tannins sont serrés, mais un brin asséchants en fin de bouche, m'a-t-il semblé. Très bon quand même (64 caisses).

S, 10 831 326, 21,10$, hhh, 16,2/20,$$ 1/2, 2009-2011?

Western Cape 2008 Chardonnay KWV. Vin blanc de Chardonnay d'Afrique du Sud, goûté à l'aveugle, et commercialisé en format de trois litres (l'équivalent de quatre bouteilles standard). Bouquet net, de Chardonnay, qui donne l'impression de ne pas être boisé, bien que le moût ait fermenté en contact avec des douelles (un truc pour boiser à peu de frais). De corps moyen, des saveurs franches - et étonnamment bon, quoique ce ne soit pas un vin particulièrement fin. Pour des occasions réunissant beaucoup de personnes (2800 viniers).

7063, 38,75$, soit 9,69$ la bouteille, hh 1/2, 15/20,$, 2009.