Répit sur le Tour de France: la guerre du vin n'aura pas lieu. Pour apaiser les esprits échauffés des viticulteurs du Sud-Ouest, qui menaçaient de bloquer l'épreuve, le patron du Tour Christian Prudhomme est venu jeudi à la rencontre des professionnels sur le Salon de l'Agriculture.

Des producteurs du Sud-Ouest et de l'Aude avaient annoncé leur intention de bloquer l'épreuve pour protester contre le choix d'un cru chilien comme vin officiel de la Grande Boucle.

Un accord a été trouvé qui permettra aux viticulteurs des régions traversées l'été prochain de présenter leurs productions au Village du Tour, a indiqué Christian Prudhomme à l'AFP.

«On a discuté de la possibilité de faire venir les viticulteurs aux villages départ et arrivée à chaque étape», a expliqué Christian Prudhomme, «étonné» de cette soudaine polémique alors que l'accord avec les vins chiliens date de 2014.

M. Prudhomme et le quintuple champion de la Grande Boucle, Bernard Hinault, avaient été conviés à déjeuner sur le Salon par Jérôme Despey, président du Conseil viticole de FranceAgriMer, l'établissement public qui gère l'agriculture française, et viticulteur dans l'Hérault, pour qui «ce serait une erreur» de bloquer le Tour. «Je m'y refuse», avait-il confié à l'AFP.

Outre l'extrême popularité de l'épreuve, les images retransmises dans le monde entier par France Télévision constituent une formidable caisse de résonance pour les régions qu'elle parcourt. Notamment les vignobles, particulièrement télégéniques.

«Il n'y a aucune difficulté pour la société du Tour de France à permettre aux vignerons et aux coopératives de mettre en avant leurs produits comme ce sera le cas dès la semaine prochaine sur Paris-Nice», a insisté Christian Prudhomme, citant un accord avec les viticulteurs du Mont Brouilly, dans le Beaujolais.

Les villages «arrivée» et «départ» à chaque étape du Tour rassemblent matins et soirs les commanditaires, les élus régionaux et les personnalités de passage.

Selon le patron du Tour, les discussions étaient en cours avec Jérôme Despey «depuis un an». La seule condition étant de ne pas faire de publicité dans la caravane du Tour pour respecter la loi française puisque, comme le savent bien les viticulteurs, la loi Evin interdit tout parrainage d'une épreuve sportive et toute publicité pour les produits alcoolisés.

La «Bicicleta» hors de l'Hexagone

Le partenariat noué entre les vins chiliens et le Tour de France, signé en 2014 jusqu'en 2017, ne concerne d'ailleurs que les étapes situées à l'étranger, chaque fois que le Tour passe chez les voisins, comme cette année Espagne, Andorre et Suisse.

Mais soudainement le syndicat des vignerons de l'Aude a vu rouge en apprenant que la cuvée «Bicicleta» du vin chilien Cono Sur avait été retenue comme partenaire du Tour par l'organisateur Amaury Sport Organisation (ASO).

«On se sent humiliés», affirmait Frédéric Rouanet, président du syndicat des Vignerons de l'Aude pour lequel en France, «le vin c'est sacré». «Nous faisons des vins prestigieux et le Tour fait partie de notre patrimoine culturel et sportif, c'est une vitrine, notre vin doit y figurer», insistait-il.

Même colère chez les Jeunes Agriculteurs (JA) du département pour qui le choix du vin chilien est «inacceptable» alors que les agriculteurs français font face à de graves difficultés. «Il faut que le Tour de France soutienne les producteurs par des partenariats avec des produits français et non étrangers», réclamaient-ils.

Mais, pour Jérôme Despey, cette querelle était sans objet. «Au contraire, on a besoin de cette mise en avant que constitue le Tour pour nos régions», martèle-t-il.

Quant à Christian Prudhomme, il relève juste que quand le partenariat chilien s'est noué en 2014, lors d'un passage du Tour dans le Yorkshire, en Grande-Bretagne, aucun producteur français n'avait répondu à l'appel d'offres d'ASO. «Certainement un manque de communication», avance Jérôme Despey.

Pour les organisateurs du Tour, «l'incident est clos», affirme Christian Prudhomme. «D'autant que le Tour fait beaucoup pour mettre en valeur le monde rural: tous les ans, dans la semaine qui précède le départ, on fait le tour des exploitations», rappelle-t-il.

Mais l'incendie n'apparaissait pas encore complètement éteint jeudi soir, Frédéric Rouanet affirmant à l'AFP que son syndicat, «le plus important de France avec 4.000 membres», était toujours sur le pied de guerre, faute d'avoir pu rencontrer les organisateurs.

«Aucun accord n'a été trouvé», a-t-il insisté.

En réponse, Jérôme Despey assurait que «la réunion a abouti à un accord dont je confirme la teneur et je suis prêt à aller rencontrer avec Christian Prudhomme les viticulteurs de l'Aude dès que possible».