Les cépages autochtones, qui apportent des sensations gustatives différentes des cépages classiques (merlot, pinot noir, cabernet, chardonnay) répandus sur toute la planète, dynamisent l'export des vins géorgiens ou croates, en forte croissance ces dernières années et présentés pour la première fois cette semaine au salon Vinexpo de Bordeaux.

«Les amateurs cherchent la singularité. Ils veulent voyager. D'où un intérêt croissant pour les vins croates qui sont recherchés pour leur typicité, due à leurs cépages autochtones», constate Barbara Bacic, négociante en vin d'Europe de l'Est, spécialisée dans ces cépages originels.

Les cépages «grasevina» dans le nord de la Croatie, «malvazija» en Istrie, «plavac mali» ou encore «posip» en Dalmatie, sont les plus représentatifs et les plus typés de ce pays des Balkans, où l'on recense au total 60 cépages autochtones. Les vins s'exportent majoritairement vers les pays de l'ex-Yougoslavie (40%), en Allemagne (10-12%) ainsi qu'aux États-Unis, en Suisse, au Canada et dans une moindre proportion vers la France.

«La Croatie a su préserver ses cépages autochtones et peut proposer autre chose que du cabernet-sauvignon. La meilleure preuve, c'est que le marché français est en expansion parce qu'on a quelque chose que les Français n'ont pas !», s'amuse Ivica Kovacevic, président de Vina Croatia, une association qui regroupe la majorité des vignerons croates.

La Hongrie, la Bulgarie, l'Arménie ou encore la Grèce et même le Portugal ou la France, avec notamment la Corse et le Jura, comptent aussi ce type de cépages. Mais c'est en Géorgie, qui se revendique comme berceau mondial de la viticulture où elle aurait été développée voici 8000 ans, que se trouvent la plupart  de ces cépages longtemps oubliés.

Élevage en amphores 

Quelque 525 variétés de cépages sont recensées dans cette ancienne république soviétique et une quarantaine sont aujourd'hui cultivés industriellement. Le plus commun et le plus qualitatif d'entre eux, le «saperavi», «a une structure tannique importante, il est très aromatique, donc facile à appréhender pour le consommateur», explique Raphaël Genot, oenologue français travaillant depuis dix ans pour la coopérative de Telavi (est), la ville emblématique du vin géorgien.

En revanche, d'autres sont beaucoup moins répandus: l'«alexandeouli» de type grenache, l'«aladastruri» très coloré type petit verdot ou le «rkatsiteli» blanc de type Chardonnay, tous cultivés pour révéler leur singularité. «Nous redécouvrons des anciens cépages et faisons de nouveaux vins que personne n'a plus goûtés depuis 50 ou 100 ans», se félicite Philippe Lespy, un autre Français, directeur de la Georgian Wines company.

Le pays, grand comme deux fois l'Aquitaine, se partage en deux régions viticoles distinctes: l'ouest, proche de la mer Noire, où sont cultivés des vins blanc et rouge étonnamment sucrés, dits «semi-doux», et l'est qui produit des vins secs également des deux couleurs. Ils sont consommés à 60% localement; le reste est exporté majoritairement vers la Russie mais aussi les États-Unis ou la Chine.

Autre particularité de la viticulture géorgienne, l'élevage du vin de manière traditionnelle en amphores de terre cuite, les Qvevri, enterrées plusieurs mois dans le sol. Une technique classée au patrimoine mondial par l'UNESCO en 2014 mais qui représente seulement 2% des 12 000 hectolitres produits.

«Au contraire du bois, la terre cuite n'ajoute aucun goût au vin, mais aide seulement au développement des arômes fruités et des tannins», explique George Margvelashvili, à la tête de Tbilvino Wine Company, la plus importante des treize sociétés viticoles venues proposer pour la première fois à Vinexpo leurs productions aux professionnels.

Parmi elles, un vignoble géré par des popes orthodoxes qui produisent du vin dans leur monastère. «Le monastère Alaverdi produit du vin depuis l'an 1011», explique l'évêque orthodoxe David. «Depuis 15 ans», avec ce vin élevé dans les Qvevri, «nous renouvelons une tradition qui s'était perdue» sous l'ère communiste. Les moines ont par ailleurs relancé une école pour la confection des Qvevri.

«C'est plus facile d'élever le vin en cuve qu'en amphore car il faut qu'il y ait une hygiène parfaite pour ne pas avoir de mauvaises surprises. Mais c'est aussi le haut de gamme de la production des vins géorgiens» qui se négocient de 20 à 60 euros, explique Raphaël Genot.