«Ensemencement des nuages». Derrière cette appellation poétique se cachent des générateurs à iodure d'argent, utilisés pour la première fois cette année par les viticulteurs du sud  de la Bourgogne face à la grêle, dévastatrice depuis deux étés.

«On a comptabilisé plus de 200 domaines qui ont perdu 50% de leurs ressources» après les violents orages estivaux de 2012 et 2013, alerte le directeur de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne, Séverin Barioz.

En douze ans, six épisodes de grêle sur certaines communes ont provoqué l'exaspération: «on ne pouvait pas rester comme ça, tout le monde disait: ça suffit», relate Thiébault Huber, qui exploite plus de neuf hectares de vignes entre Volnay, Pommard, Meursault et Puligny-Montrachet (Côte-d'Or).

Parmi les solutions possibles, la mise en place de filets anti-grêle a toujours été exclue en Bourgogne, où les parcelles sont morcelées. Et ils feraient tache dans la région, qui espère faire classer un jour ses «climats» (parcelles de terre dédiées à la vigne, ndlr) au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Jusqu'en 1982, la Bourgogne se prémunissait à l'aide d'avions qui répandaient dans le ciel une solution d'iodure d'argent, qui permet de produire artificiellement de la pluie quand la grêle menace. Mais «le système, qui était coûteux et dangereux pour les pilotes, a explosé après un recours devant le Conseil d'État», rappelle M. Huber.

Les viticulteurs ont donc opté pour des générateurs au sol, déjà utilisés près de Toulouse, dans le Bordelais, le Médoc ou la vallée du Rhône. Une bonbonne de solution à base d'iodure d'argent et une autre remplie d'air comprimé sont reliées à un brûleur, qui propulse la solution à une altitude d'un à trois kilomètres.

Seuil de toxicité

«Le principe est d'inonder une zone de milliards de particules pour limiter la formation des grêlons, qui sont alors moins nombreux et beaucoup plus petits. Et font moins de dégâts», explique le vigneron.

Selon l'Association Nationale d'Étude et de Lutte contre les Fléaux atmosphériques (Anelfa), qui déploie ces générateurs en France, l'intensité de la grêle est «diminuée de moitié» grâce à ce système d'«ensemencement des nuages».

Trente-quatre générateurs, espacés de dix kilomètres afin de former un maillage, protègent ainsi une zone de 9000 hectares, de la côte de Beaune jusqu'à la côte chalonnaise. Pour financer cet investissement de 95 000 euros, les viticulteurs de 32 appellations ont accepté de verser une cotisation allant jusqu'à dix euros par hectare.

«L'impact environnemental a été notre première interrogation», assure M. Huber, qui affirme que la solution d'iodure d'argent, répandue en faible quantité, ne présente «aucune toxicité». L'Anelfa précise que les concentrations produites dans l'air par les générateurs sont «mille fois inférieures au seuil critique de toxicité».

Les viticulteurs espèrent désormais un soutien des assureurs, attentistes selon eux face à ce procédé.

«Il serait quand même logique que les assureurs nous aident sur ce genre de dispositif, c'est aussi les aider eux quelque part : si l'on évite un orage de grêle sur deux, ils verseront moins d'indemnités», estime M. Huber, faisant valoir aussi les dégâts évités «sur les voitures et les toitures», ainsi que dans les autres activités agricoles.