La famille Magrez possède une cinquantaine de vignobles dans neuf pays, ce qui en fait l'une des familles productrices les plus importantes du monde. Elle tente aujourd'hui une stratégie marketing audacieuse: apposer la même signature sur toutes ses cuvées, peu importe le prix ou la provenance.

Quand il s'agit de promouvoir ses vins, la famille bordelaise Magrez ne lésine pas sur les dépenses. Elle a fait déraciner 10 oliviers centenaires d'Espagne pour les installer devant ses châteaux à Bordeaux. Elle a acquis un Stradivarius (2,5 millions d'euros!) pour le rebaptiser au nom d'un domaine. L'instrument a d'ailleurs fait le voyage jusqu'ici lors de l'événement Bordeaux fête le vin à Québec, le mois dernier.

«Ces dépenses sont des investissements à long terme», explique le fils du fondateur de l'entreprise familiale, Philippe Magrez, qui multiplie les séjours au Québec pour faire connaître la nouvelle signature de sa maison.

Depuis quelques années, plus de 70 vins produits par les Magrez et vendus dans 44 pays portent un même logo: deux clés renversées, formant un «X». On retrouve cette même griffe tant sur les cuvées bordelaises à 250$ la bouteille que sur les bouteilles de vin d'Uruguay à 25$.

«Cela impose une obligation de qualité, explique Philippe Magrez, en entrevue. Car j'ai la même signature sur mes grands crus que sur mes vins d'entrée de gamme.»

49 vignobles

Les Magrez sont réputés pour posséder une quantité considérable de châteaux dans le monde. Le chiffre officiel: 40 domaines, situés dans neuf pays. Mais dans les faits, ils sont propriétaires de neuf autres domaines en partenariat avec le comédien Gérard Depardieu. Deux vins produits par ces domaines sont d'ailleurs en vente au Québec.

La famille a aussi acquis un vignoble en Californie en 2004, car, selon Philippe Magrez, les Américains ont tendance à faire davantage confiance au vigneron lorsque celui-ci possède un domaine dans leur pays. La famille a appliqué la même stratégie trois ans plus tard au Japon, où elle vinifie avec le cépage local, le koshu.

Philippe Magrez avoue aujourd'hui que c'est beaucoup.

«Le nombre de châteaux que nous possédons, c'est notre différence, notre originalité, justifie-t-il. Ça nous permet d'offrir du choix pour tous les goûts et de la diversité dans les vins. Ça permet d'aller chercher tout le monde.»

Et chaque château a son histoire. Les Magrez ont investi en Uruguay, à la suite d'une rencontre fortuite au salon de Vinexpo avec un couple de ce pays. Un vignoble est né de cette nouvelle amitié. Quant à Gérard Depardieu, le comédien est allé dormir au Château Pape-Clément lors d'un événement médiatique. Après quatre nuits passées dans le Bordelais, il a acheté un vignoble avec la famille de producteurs!

«On ne vend pas du vin, on vend du rêve», lance Philippe Magrez.

La famille Magrez a aujourd'hui les moyens de faire rêver. Ça n'a pourtant pas toujours été le cas.

Le fondateur, Bernard Magrez, a démarré l'entreprise à partir de zéro. Contrairement à plusieurs propriétaires, il n'est pas le fils héritier d'un vigneron. Il est plutôt né dans une famille travaillant dans l'industrie du meuble.

Avec une technique d'affûteur de scie en poche, Bernard Magrez a appris le vin dans l'entreprise viticole de son oncle. Et ce dernier l'a aidé à élaborer le sien. À 76 ans, l'homme d'affaires est aujourd'hui à la tête d'un véritable empire viticole, qui est tout de même solidement ancré en France.

Les trois quarts des vignobles des Magrez sont en France et les cuvées françaises représentent 94% des vins, en volume produit, car les vignobles étrangers produisent essentiellement des cuvées d'exception, en plus petite quantité.

Une douzaine de leurs produits sont offerts au Québec.