Lorsqu'un vigneron qui débute demande conseil à Salvo Foti, l'incontournable consultant en viticulture en Sicile, sa première recommandation pour produire un très bon vin est de s'inscrire dans le temps: «Commence déjà par faire des enfants».

Ce fils et petit-fils de vignerons, dont les vignes centenaires, aux sarments aussi épais que tortueux, sont plantées sur le versant nord de l'Etna, forme à son tour son fils adolescent.

«Beaucoup de vignerons ne pensent pas à l'avenir», dit-il à l'AFP en parcourant son vignoble en terrasse, qu'il faut vendanger à la main en raison de son escarpement. «Si tu veux de l'argent tout de suite, tu négliges le terroir et ce dont il a besoin pour prospérer».

Le vin sicilien était initialement produit pour être consommé localement ou exporté en vrac pour donner un peu de corps à des vins français ou italiens trop délicats. Malgré des siècles de vinification, la Sicile n'embouteille pour l'export que depuis 25 ans.

Le cépage le plus connu de l'île, le Nero d'Avola - souvent comparé à la syrah pour son nez de prune, de violette et de poivre - a conquis des amateurs dans le monde entier et mérite une dégustation attentive.

Le pourcentage de vin d'appelation produit à l'hectare a presque doublé entre 2009 et 2010, indiquant une volonté de gagner en qualité. Car pour bénéficier des appellations protégées, les vignerons doivent respecter un cahier des charges plutôt strict.

Mais cette exigence nouvelle a encore du mal à se faire connaître, certains vignerons profitant de l'engouement pour les vins siciliens pour écouler une affreuse piquette.

«L'humanité du vin»

Producteur lui-même en même temps que consultant pour d'autres, Salvo Foti, s'il avait pu, aurait retardé cette mode pour laisser le temps aux vignerons de mieux connaître leurs terres et à leurs vins de vieillir et se bonifier.

Un Nerojbleo, le premier vin du domaine Gulfi dont il est consultant, se vend, pour l'année 2000, autour de 14 euros, mais souffre aisément la comparaison avec des vins coûtant le double. Les millésimes de la plupart des vins siciliens trouvés dans le commerce sont cependant beaucoup plus récents.

«Il y a un paquet de vins de style "Nouveau Monde" qui sont très bien, mais ce n'est par le but du jeu», peste Salvo Foti. «Ce qui compte, c'est l'humanité du vin, et ta propre humanité dans le vin».

Son vignoble bio parsemé de cognassiers et de cactus, à l'ombre du volcan qui crache de temps à autre des jets de vapeur, fait partie d'un collectif de passionnés des cépages locaux et du terroir de l'Etna, baptisé I Vigneri.

Entre les rangs, où poussent herbe haute, fenouil et menthe, une courgette ou une blette ici et là, zigzaguent des lézards. Parfois une tige de persil sauvage prend racine sur un coude de vigne.

Son Vinupetra, issu du nerello mascalese, du nerello cappucio et d'autres cépages locaux, est très recherché, surtout s'il a passé au moins quatre ans en cave, pour sa puissance associée à la finesse.

Très apprécié de nombreux critiques influents, son prix de vente peut atteindre plus de 40 euros la bouteille.

«Mon équipe s'amuse et quand on s'amuse, le vin en profite», affirme-t-il, persuadé que d'autres vignerons suivront son exemple.