Pour Netflix, la concurrence ne vient pas tant d'Amazon ou de HBO que des jeux vidéo comme le carton planétaire Fortnite, qui lui disputent le précieux temps libre des jeunes consommateurs.

Avec 140 millions d'abonnés dans le monde, le leader du streaming vidéo, qui a popularisé le « binge watching » (regarder des séries à la chaîne pendant des heures), est solidement installé au sommet.

Mais il veut aussi que ses clients passent le plus de temps possible sur la plateforme, que viennent donc concurrencer d'autres activités chronophages. Ainsi les jeux vidéo ou... le sommeil, comme l'avait lancé un jour le PDG de Netflix, Reed Hastings.

« En terme de temps passé sur écran par les consommateurs, que ce soit sur mobile ou sur une télévision, nous bataillons avec une très large palette de concurrents », estime-t-il, évoquant « des milliers de concurrents rivalisant pour divertir le consommateur » dans « un marché très fragmenté ».

« Pour nous, il s'agit de prendre du temps à d'autres activités de loisirs », explique-t-il, citant également la console de jeux Xbox. Lui-même reconnaît que Netflix « luttait et perdait davantage face à Fortnite que face à HBO », la chaîne qui est derrière le succès Game of Thrones.

« Notre croissance est fondée sur la qualité de l'expérience, comparée à toutes les autres façons de passer du temps devant un écran », note-t-il, ajoutant que Netflix ne se focalisait « ni sur Disney, ni sur Amazon... mais sur la façon dont on peut améliorer l'expérience pour nos abonnés ».

Le groupe californien a d'ailleurs décidé à l'occasion de ses résultats annuels de fournir des chiffres d'audience, ce qu'il évitait de faire jusque-là, comme pour le film Bird Box, avec Sandra Bullock, déjà vu plus de 80 millions de fois depuis sa sortie en décembre, selon Netflix.

Plus globalement, les Américains consomment un milliard d'heures de télévision par jour et Netflix représente environ 10 % de ce total, a aussi affirmé la plateforme.  

Autrement dit, il y a de la place pour d'autres acteurs du streaming, sans que Netflix soit directement menacé, selon le raisonnement de Reed Hastings.

« Accros »

« Le temps est semble-t-il quelque chose de plus limité que l'argent. Du coup, faire que les gens soient davantage impliqués et "accros", c'est comme cela que vous pouvez faire de l'argent », commente l'analyste spécialisé Mat Piscatella, du cabinet NPD.

C'est ce qu'a bien compris Microsoft, qui s'est attaché à faire passer de plus en plus de temps sur sa console Xbox à ses cohortes de joueurs. Comme Google, il travaille au jeu vidéo diffusé en « streaming », nouvel eldorado du secteur, qui devrait amplifier encore ce marché et attirer de nouveaux publics.

Twitch, filiale d'Amazon qui retransmet sur l'internet des parties de jeux vidéo jouées par les meilleurs « gamers », rassemble des audiences qui peuvent dépasser celles de Netflix.

« Les gens aiment participer plutôt que juste rester assis », note M. Piscatella, soulignant que Netflix vient précisément de se lancer dans les programmes interactifs, avec un Bandersnatch, de la série Black Mirror, où le spectateur peut décider du scénario, à la façon des « livres dont vous êtes le héros ».

Les dirigeants de Netflix ont d'ailleurs promis de nouveaux programmes sur ce modèle.

Bien que des jeux vidéo attirent des foules d'« addicts », l'analyste Paul Verna, du cabinet eMarketer, relativise les propos de Reed Hastings : il estime que Fortnite ne peut pas vraiment être vu comme le principal concurrent de Netflix.

Il évoque plutôt une « échelle concurrentielle », où les services de télévision en streaming comme Hulu, HBO Now ou Amazon Prime se situent aux plus hauts échelons, tandis que Facebook Watch ou YouTube seraient plutôt en bas.

Bien que Netflix s'en défende, c'est bien de ces compétiteurs directs qu'il devrait se méfier, pense M. Verna, notamment de Disney. Les studios californiens pourraient dépouiller Netflix de certains programmes pour les mettre en exclusivité sur sa propre plateforme prévue pour cette année, Disney+.