En moins d'une semaine, l'on a annoncé l'adaptation pour le cinéma de deux jeux vidéo créés à Montréal.

Selon le magazine américain Variety, après Assassin's Creed, d'Ubisoft Montréal dont la vedette principale au cinéma sera Michael Fassbender (Prometheus), les droits de Deus Ex: Human Revolution, d'Eidos Montréal (qui travaille sous l'enseigne de Square Enix) ont été vendus à CBS Films. Adrian Askarieh (Hitman) et Roy Lee (The Grudge et The Ring) en assurent la production.

Ces films ne sont pas les premiers à s'inspirer de jeux produits par ces deux boîtes de production. Prince of Persia (Ubisoft) et Tomb Raider (Square Enix) ont déjà connu leur lot de succès au grand écran.

Ailleurs dans le monde du jeu vidéo, le scénario de God of War a repris vie, alors qu'on croyait le projet tué dans l'oeuf. Patrick Melton et Marcus Dunstan (Saw) en signent l'adaptation.

En outre, Infamous, Uncharted, Spore, Mass Effect et Gears of War, pour n'en nommer que quelques-uns, sont dans les cartons.

Bonne nouvelle pour les admirateurs de ces séries cultes? Pour certains, oui. Chez d'autres, une crainte persiste. Les commentaires sur les forums de discussion et les sites spécialisés témoignent surtout de classiques vidéoludiques bâclés par Hollywood.

«La plupart des joueurs craignent les adaptations de jeux vidéo au cinéma en raison de la piètre qualité générale de ce genre de titres», souligne Tristan Geofroy, chroniqueur à l'émission M. Net.

Stéphane D'Astous, directeur du studio d'Eidos Montreal, souligne qu'«il y a des gens qui veulent des revenus à court terme et qui sous-estiment les attentes des admirateurs. Ils ne comprennent pas que ce qui survit aux tempêtes, c'est la qualité», croit-il.

Selon lui, certains bonzes de Hollywood font preuve d'une attitude «my way or the high way», un piège qu'a évité CBS. «Il faut trouver les gens qui voudront respecter l'ADN du jeu», ajoute-t-il.

Selon Jean De-Rivières, directeur Distribution et Marketing International chez Ubisoft Motion Pictures, «ce n'est pas toutes les franchises qui peuvent être adaptées à l'écran. Il faut se poser certaines questions. La franchise a-t-elle assez de profondeur et de richesse narrative pour faire la transition vers l'écran? Une adaptation cinématographique pourra-t-elle attirer de nouveaux adeptes sans pour autant dénaturer la marque? Dans le cas d'Assassin's Creed, son histoire de fond, captivante et dynamique, offre une richesse de contenu qui, croit-on, permettra de faire cette transition vers le grand écran avec succès.»

S'identifier au personnage

«Si les personnages ne s'y prêtent pas, le film sera mauvais, pense François Dominic Laramé, chroniqueur à l'émission Les nerdz. Mario Bros ne se prête pas à un film. Ezio [ndlr: un des héros de la série Assassin's Creed] est quant à lui un personnage riche.»

Pour ce qui est d'Adam Jensen, héros central de Deus Ex, M. Laramé exprime un doute: «Adam est un personnage sur lequel on se projette beaucoup dans le jeu.»

Pierre Tousignant, professeur et directeur de Création 3D en jeu vidéo au centre NAD, pousse plus loin ce phénomène d'identification au personnage.

«Dans le jeu vidéo, plus tu es bon, plus tu as de la place pour jouer et plus c'est toi qui joues, explique-t-il. Il est certain que lorsqu'on regarde le gars sur l'écran qui prend telle ou telle décision, on se dit qu'on n'aurait pas fait ça comme ça. On est pris avec les décisions du film.»

«On passe d'un média à l'autre. Il faut en prendre et en laisser» ajoute Benoît Melançon, professeur et directeur en prévisualisation et composition, au centre NAD.

«Si l'adaptation au cinéma du jeu Halo n'a pas eu lieu, c'est notamment parce que le réalisateur a compris que si nous ne voyons pas le visage de Master Chief [le personnage principal a toujours la tête sous son casque], le spectateur ne pourrait s'y identifier comme dans le jeu.»

Benoît Melançon renchérit en expliquant le principe d'Uncanny Valley.

«Pour qu'un avatar soit partie prenante émotionnelle du joueur, il faut qu'il présente une certaine différence avec l'être humain», dit-il.

Ce qui pourrait expliquer le malaise du spectateur lorsque son héros de jeu vidéo est en chair et en os sur grand écran.

«À la base, on cherche ce qui ne va pas, dit-il. Dès le départ, on se met la tête sur le billot en adaptant un jeu au cinéma.»

Des pièges à éviter

«Il ne faudra pas désacraliser le mythe qui a été créé dans le jeu vidéo», estime Benoît Melançon.

«Avec Deus Ex, il faudra utiliser l'univers. Utiliser le personnage principal, oui, mais pas pour la même histoire», ajoute Pierre Tousignant.

Pour Benoît Melançon, il est difficile de proposer un seul film pour illustrer un jeu vidéo. «Produire un seul Assassin's Creed est presque bizarre «, note-t-il.

«Le jeu, dans sa forme, est épisodique», précise Pierre Tousignant, en expliquant qu'un seul film sur un jeu vidéo exigerait que l'on sacrifie trop de temps à introduire les personnages et l'univers.

Le coup reste toutefois jouable, «tant que ce n'est pas Uwe Boll qui fait la réalisation!», blague François Dominic Laramé, à propos d'un des réalisateurs ayant massacré plusieurs jeux vidéo en les transposant au grand écran.

Les sources d'une mauvaise réputation:

Super Mario Brothers (1993)


L'un des premiers films mettant en vedette Mario, la figure marquante du jeu vidéo. Malheureusement, le film a mis la barre de la qualité de la réalisation très bas et Hollywood y a vu un beau filon.

Les descendants du plombier

- Street Fighter (1994) mettant en vedette Jean Claude Van Damme

- Double Dragon (1994) avec Alyssa Milano et Marc Dacascos

- Mortal Kombat (1995) avec Christophe Lambert dans la peau de Rayden

Uwe Boll

Il est derrière la réalisation des adaptations de House of the Dead (2003), BloodRayne (2005), Farcry (2008), Alone in the Dark (2005). Tous des navets qui ont assombri l'image des jeux vidéo au cinéma.

Doom (2005) et Max Payne (2008)

Deux films considérés comme des adaptations malhabiles. Soit en tentant d'introduire trop de notions du jeu ou en les oubliant au profit d'effets spéciaux inutiles.