David Lemieux a déjà connu la gloire. Mais il a des choses à prouver après s'être incliné devant le Britannique Billy Joe Saunders en décembre. Ça commence samedi à Québec contre le Français Karim Achour.

David Lemieux venait de terminer son entraînement, l'un des deux auxquels il se soumet quotidiennement, avec une séance explosive de 10 secondes. Pendant ces 10 secondes, il frappait à tout rompre dans un sac de sable. L'exercice était épuisant juste à regarder.

«D'habitude, on fait 20 secondes», explique le boxeur, exténué, après avoir retiré ses gants.

Ses jointures sont boursouflées et rougies par l'effort. Lemieux réduit peu à peu la durée, mais certainement pas l'intensité, de ses entraînements à l'approche de son combat contre le Français Karim Achour (26-4-3), samedi à Québec.

Lemieux fait partie de cette catégorie de boxeurs dont les coups de poing foudroient sur place. L'un des rares qui émettent un son distinctif à chaque frappe, un peu comme un sifflement, très perceptible à la télévision.

«Je suis le plus fort cogneur au monde, lance-t-il en riant. Quand je suis au sommet, je suis explosif, mes coups de poing sortent. Chaque boxeur a un don, certains bougent bien les pieds, d'autres esquivent bien, d'autres sont des cogneurs. Je suis un cogneur. C'est inné.»

Lemieux n'a pas toujours su canaliser ce don comme il aurait dû. Jeune homme, il faisait sa loi à grands coups de poing dans les rues d'Ahuntsic-Cartierville. Il a été expulsé de tellement d'écoles, comme il l'explique lui-même, qu'il a abouti au Centre académique Fournier.

L'école de Montréal-Nord décrit ainsi sa mission: «Permettre à des jeunes de niveaux primaire et secondaire présentant des difficultés graves du comportement de vivre un cheminement scolaire mieux adapté et qui répond davantage à leurs besoins...»

Lemieux ne s'en allait pas dans la bonne direction, mais c'était avant de découvrir la boxe. Sa mère n'appréciait pas sa nouvelle passion: elle croyait qu'il utiliserait son sport pour se battre encore plus. Elle avait aussi peur qu'il se fracture le nez.

«Tu sais, les mères, dit Lemieux avec le sourire. Vers 9 ou 10 ans, j'ai commencé à aller au Ring 83 près de chez moi. Les années ont passé et j'ai arrêté de me battre dans les rues. Je me battais dans le gym de boxe. Je n'avais plus l'envie des combats de rue. Je dépensais mon énergie ailleurs. J'étais un gym rat. J'avais un bon entourage au gym qui me donnait de bons conseils. On m'expliquait que si je me battais, il y aurait la police, le trouble, et je ne pourrais plus faire de boxe. Je ne voulais pas me faire expulser du gym, donc je restais loin des problèmes.»



Une carrière qui le définit

Lemieux sait ce que la boxe a contribué à changer dans sa vie. Le sport lui a inculqué la discipline, l'a sorti des rues. Il espère par ses succès devenir une source de motivation pour les jeunes qui vivent la même chose que lui. Il a déjà vu les plus hauts sommets en gagnant le titre IBF des poids moyens. Titre qu'il a perdu immédiatement dans un combat d'unification contre le légendaire Gennady Golovkin.

Avec une victoire décisive contre Achour, il veut reprendre sa place dans la discussion pour les plus gros chocs. Surtout après sa défaite par décision unanime, en décembre dernier, contre Billy Joe Saunders pour le titre mondial WBO.

«Selon où je me situe, j'ai plus à perdre qu'Achour. Je me bats sur HBO, je vise Canelo Alvarez ou une revanche avec Golovkin. Je suis plus près de ce niveau que de Karim Achour, même si c'est un adversaire solide. Mes performances sont importantes, en raison de mon dernier combat contre Saunders. J'ai des choses à prouver, mais je ne suis pas inquiet. Mais Canelo, dans un futur proche, c'est lui, l'adversaire que je vise.»

Lemieux prend Achour très au sérieux. Il sait que son rival voit dans ce combat la chance d'une vie. «Il va tout essayer, il n'a rien à perdre. On s'entraîne sérieusement. Les gens ne comprennent pas, il n'y a pas d'adversaire facile en boxe.»

Au moins, le boxeur montréalais se sait en pleine forme, pour une fois. Il s'est battu contre Saunders en dépit d'un malaise à une épaule qu'il traînait depuis un certain temps. À l'époque, Lemieux était monté dans le ring, malgré son état, par fierté. Il refusait d'y voir une excuse pour se désister.

«Je comprends la situation dans laquelle j'étais, alors ce n'était pas si difficile [de passer par-dessus la défaite]. J'ai vu mon médecin. Il voulait faire une chirurgie, mais on a convenu que ce n'était pas nécessaire. On a essayé quelque chose d'autre et ça a fonctionné. Ça fait longtemps que je n'ai pas eu un camp comme ça. On a trouvé une solution qui va nous amener loin.»

Lemieux a 29 ans. Il se voit boxer au moins jusqu'à 35 ans. Il est classé 7e par le WBC et le WBO, des titres détenus respectivement par Golovkin et Saunders, les deux derniers qui l'ont battu. La chasse aux titres, ou au super combat contre Canelo, commence avec Achour.

Encore faut-il gagner avec panache. Lemieux n'a pas droit à l'erreur, encore une fois.

Photo Bernard Brault, Archives La Presse

David Lemieux et Billy Joe Saunders