«Il a les mêmes racines que moi. Il vient de Colombie. Il est noir. Il a grandi dans la misère. Il est mon sang, il est mon frère.»

Edison Miranda détachait chacun de ses mots au micro. La scène s'est déroulée hier dans un restaurant du centre-ville de Montréal. Des lunettes fumées vissées au visage, il parlait à un parterre de journalistes de son combat de demain soir au Centre Bell. «Il», c'était Eleider Alvarez, le jeune boxeur qui a quitté la Colombie en 2009 pour poursuivre sa carrière au Québec.

«Eleider, je t'aime comme un frère, a poursuivi Miranda, mais la boxe fait que les frères parfois doivent s'entretuer.»

Miranda et Alvarez vont s'affronter en sous-carte du combat de championnat du monde entre Adonis Stevenson et Tavoris Cloud. Leur rencontre n'est qu'un duel parmi tant d'autres sur une carte de boxe chargée. Mais elle a une saveur particulière.

Pour la deuxième fois seulement dans la riche histoire de la boxe colombienne, deux boxeurs du pays de Gabriel Garcia Marquez vont s'affronter sur un ring étranger. «C'est un combat historique, estime Marco Perez, journaliste colombien qui s'est déplacé à Montréal pour l'occasion. Je ne sais pas que prédire comme issue. Mon coeur est fendu en deux.»

Dans le coin droit, Edison Miranda (35-8, 30 K.-O.), 32 ans, surnommé «la Pantera» - il ne se souvient plus pourquoi - et renommé pour son style agressif et sa force de frappe. Il a acquis entre 2006 et 2010 le statut de baromètre et affronté parmi les meilleurs boxeurs sans jamais lui-même parvenir au sommet. Il a perdu des duels contre Arthur Abraham, Kelly Pavlik, Andre Ward et Lucian Bute. Sa réputation de cogneur, il la doit en grande partie à la mâchoire d'Abraham, qu'il a cassée à leur premier combat.

D'où vient-elle, d'ailleurs, cette puissance du cogneur qui fait la renommée des boxeurs colombiens? «C'est peut-être la génétique», lance Miranda.

Le journaliste Marco Perez a une explication plus fantasque. «Certains disent que c'est l'alimentation à base de poisson et de plantain. Nos boxeurs ont toujours eu de la puissance.»

Dans le coin gauche, Eleider Alvarez (12-0, 8 K.-O.), 29 ans, boxeur à la riche carrière amateur qui a participé aux Jeux olympiques de Pékin. Puis, il a quitté la Colombie il y a quatre ans pour entamer une carrière professionnelle à Montréal avec le Groupe Yvon Michel.

«J'ai suivi la carrière de Miranda. Je l'ai vu se battre à l'étranger et je voulais marcher dans ses pas, note Alvarez. Mais dans le ring, je vais le voir comme n'importe qui, pas comme un Colombien.»

Alvarez doit absolument l'emporter. L'étoile de Miranda a pâli sur la scène internationale, depuis sa défaite en trois rounds contre Bute en 2010. Un revers pourrait coûter à Alvarez un combat de championnat du monde. Il est en effet pressenti pour affronter Sergey Kovalev, champion WBO des mi-lourds (175 lb).

«Je sais que plusieurs pensent que je vais perdre contre Alvarez parce que je n'ai rien montré de bien récemment, lance Miranda. C'est pour ça qu'ils ont fait ce combat. Ils pensent que je suis fini. Mais je suis vraiment prêt. Quand je suis vraiment prêt, je suis une menace pour n'importe qui.

«C'est un combat qui me rend triste, lance-t-il. Ça me brise le coeur de devoir me battre contre lui et d'arrêter l'essor de ce jeune espoir avec ma puissance.»