Conduire à Salvador n'est pas une activité de tout repos. Que ce soit dans les rues étroites du centre historique ou dans les avenues relativement spacieuses, une concentration sans faille est un préalable pour qui se retrouve derrière un volant.

Les voitures se coupent allègrement le passage alors que les scooters se livrent à un slalom périlleux, le tout agrémenté d'un concert de klaxons. «Une conduite un peu sauvage», explique une compagnie de location de voitures.

Il faut également se méfier des piétons qui traversent la route dès que l'occasion se présente, faisant fi des feux de circulation et, parfois, du danger. Dans cette ville dynamique de près de trois millions d'habitants, et première capitale historique du pays, l'action peut surgir à tous les coins de rue.

C'est d'autant plus vrai à l'approche d'un match de Coupe du monde de la sélection brésilienne. Hier matin, les rues du quartier Rio Vermelho avaient des allures de défilé à la gloire de la bande à Scolari. Si quelques irréductibles arboraient les couleurs de Bahia et de Vitória, les deux pensionnaires locaux de l'élite, les chandails de la Seleção se comptaient par centaines.

Aux feux de circulation, de nombreux vendeurs interpellaient les automobilistes qui n'avaient pas encore de drapeau brésilien accroché à leur véhicule. «Bandeira do Brasil aqui», crie l'un d'eux en vendant également de petites housses recouvrant l'arrière des rétroviseurs extérieurs.

Si les infrastructures sportives ne sont pas nombreuses dans la troisième ville du Brésil, tout lieu est bon pour frapper un ballon. En attendant des clients, quelques employés d'une station-service improvisent une petite partie de soccer entre deux pompes. Un peu plus loin, à un feu rouge, un jeune garçon, avec le maillot de Neymar sur le dos, jongle avec une aisance à rendre jaloux l'auteur de ces lignes. Près du célèbre ascenseur Lacerda, un quai de pierres inégales est également le théâtre d'un match endiablé.

L'heure de la Seleção

Sur les coups de 16h (heure locale), cette activité automobile et humaine a soudainement disparu. La circulation s'est fluidifiée, tandis que les Bahianais se regroupaient à quelques points de la ville, chez eux ou dans les bars afin de suivre le match de la Seleção. Plusieurs magasins ont même baissé leurs grilles et affiché un Fechado (fermé) sans équivoque. L'heure n'est décidément plus au commerce, mais aux exploits tant espérés de Neymar et compagnie aux dépens du Mexique.

«Malgré tous les problèmes, c'est un jour de fête», confie un homme attablé à un restaurant de deux étages. Avec deux autres compagnons, il fait preuve de stoïcisme durant une bonne partie de la rencontre. Ce n'est pas le cas de la plupart de ses compatriotes, qui donnent de la voix à chaque bonne occasion pour les Auriverde.

Le but refusé de Fred pour hors-jeu signalé tardivement à la 11e minute? Des cris de joie suivis de quelques hochements de tête. Même réaction lors des nombreuses tentatives bloquées par l'excellent gardien mexicain Memo Ochoa, auteur du «match de sa vie».

Vers l'heure de jeu, la nuit tombe très rapidement sur Salvador, qui est encore enveloppé d'une lourde humidité. Sur les écrans, le Brésil ne parvient toujours pas à se détacher malgré quelques accélérations et une nouvelle tête dangereuse de Thiago Silva.

C'est même le Mexique qui obtient les deux dernières occasions, suscitant au passage un frisson général. Résultat final: un 0-0 qui ne rassure pas, mais qui est tout de même accueilli par une succession de pétards dans la ville. S'ils n'ont pas retenti durant le match, comme devant la Croatie, ils peuvent au moins servir à fêter le quatrième point brésilien du tournoi. En tête du groupe A, le Brésil affrontera maintenant le Cameroun, lundi à Brasília.

D'ici là, Salvador peut retrouver son rythme habituel. Avec sa lourde circulation et ses enfants qui luttent à quatre contre un, sur un terre-plein, avec des cônes en guise de buts...