L'Euro 2016, le premier à 24 équipes (10 juin-10 juillet), est censé être une grande fête populaire mais à une semaine du coup d'envoi, le climat est anxiogène en France, entre craintes d'attentats, grèves dans les transports et des Bleus cernés par les polémiques sur le racisme et par les blessures.

«Cibles potentielles»

Le ministère américain des Affaires étrangères a prévenu ses ressortissants cette semaine: «Les stades de l'Euro, les "fan zones" et tous les lieux qui diffuseront le tournoi en France et à travers l'Europe représentent des cibles potentielles pour des terroristes.»

La France sait qu'elle est visée depuis l'année 2015, marquée en janvier par les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Casher, puis par ceux du 13 novembre revendiqués par les jihadistes de l'Etat islamique (EI).

Le symbole tragique du 13 novembre, 130 morts au total, reste l'attaque contre la salle de spectacles parisienne du Bataclan. Mais le football aussi était visé puisque trois kamikazes se sont fait exploser autour du Stade de France, faisant un mort et plusieurs dizaines de blessés, alors que s'y déroulait un match amical des Bleus contre l'Allemagne.

Les «fan zones» cristallisent les craintes et sont au coeur d'un débat permanent: faut-il maintenir ces lieux de rassemblement de masses installés dans les 10 villes hôtes pour accueillir les supporters (Bordeaux, Lille, Lens, Lyon, Marseille, Nice, Paris, Saint-Denis, Saint-Étienne et Toulouse)?

Six Français sur dix (64%) sont opposés à leur suppression, tout en estimant qu'il est risqué de s'y rendre, selon un sondage publié lundi.

Le préfet de police de Paris a même proposé la fermeture de la «fan zone» de Paris (92 000 personnes) les jours de match au Parc des Princes et au Stade de France, dans une lettre au ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve en date du 26 mai. Raison invoquée: «l'état d'épuisement avancé» des forces de l'ordre.

Mouvements de grève

La France sera-t-elle paralysée pendant l'Euro par les mouvements sociaux qui contestent la réforme du droit du travail entamée par le gouvernement socialiste? La guerre des nerfs continue entre ce dernier et les opposants à la loi: les grèves reconductibles perturbent de nouveau les transports à huit jours du match d'ouverture France-Roumanie au Stade de France.

En pointe de la mobilisation, le patron du syndicat contestataire CGT, Philippe Martinez, a accusé l'exécutif de refuser le dialogue, lui renvoyant la responsabilité d'éventuels blocages pendant l'Euro. Il a promis cette semaine «la plus forte mobilisation depuis trois mois».

Dans un pays par ailleurs affecté par des crues record et des inondations, une autre mauvaise nouvelle est venue du ciel pour le gouvernement: trois syndicats de pilotes ont appelé à faire grève du 11 au 14 juin pour défendre l'emploi et protester contre une modification de certaines règles de rémunération.

Accusations de racisme et polémiques

L'équipe de France, qui jouera sur son sol et est l'un des possibles prétendants au titre, vit une période noire.

La star Karim Benzema, écartée de l'équipe de France pour sa mise en examen dans l'affaire du chantage à la sex-tape contre son équipier en Bleu Mathieu Valbuena, a provoqué un cyclone médiatique en accusant son sélectionneur Didier Deschamps d'avoir «cédé à la pression d'une partie raciste de la France».

La classe politique s'est immédiatement indignée contre ces propos, bientôt suivie par le monde sportif. «Il n'a pas mesuré la dangerosité de ses propos parce que, s'il souhaite devenir un fonds de commerce des recruteurs de Daech, il ne fallait pas s'y prendre autrement», l'a tancé le président du club de rugby de Toulon, Mourad Boudjellal.

Et les Bleus dans tout ça? «Les déclarations de Benzema peuvent déstabiliser le groupe, même si les joueurs de l'équipe de France vont dire que non», a prévenu Lilian Thuram, champion du monde en 1998. L'équipe de France n'avait pas besoin de ça, touchée par une avalanche de blessures (Raphaël Varane, Jérémy Mathieu, «Lass» Diarra) qui fragilisent son secteur défensif. «Cela n'a jamais été un long fleuve tranquille», a commenté Deschamps, interrogé par l'AFP.

Espagne, folle de foot

Les 24 pays engagés avaient jusqu'à mardi minuit pour déposer leur liste des 23 joueurs retenus. Les blessures et choix des sélectionneurs ont laissé du beau monde en tribunes: l'Allemagne championne du monde est privée de Marco Reus (Dortmund) et l'Espagne, double championne d'Europe en titre, n'a pas voulu prendre de risques avec Diego Costa (Chelsea).

Mais la «Roja» a des réserves. Les Espagnols de Vicente Del Bosque se sont promenés mercredi en match de préparation en balayant la Corée du Sud 6 à 1, avec notamment des doublés de Nolito et Alvaro Morata.

Le foot espagnol domine l'Europe en clubs. Le Real Madrid et Barcelone se sont ainsi partagés les trois dernières Ligues des champions, tandis que le FC Séville a gagné les trois dernières Europa League. Le refrain «Campeones (champions), Campeones!» résonnera-t-il encore au Stade de France le 10 juillet?