Bien plus que le dopage, les matches truqués constituent l'une des pires menaces qui pèsent sur la planète du ballon rond aux yeux des dirigeants du football, conscients que du club à la Fédération internationale aucun échelon n'est à l'abri des tentatives de corruption.

À Zurich, au siège de la FIFA, la fédération internationale, comme à Nyon, au siège de l'UEFA, la confédération européenne, on ne croit guère à un dopage organisé dans les stades. Mais on prend très au sérieux la question des joueurs et arbitres achetés, des rencontres bidonnées, d'autant plus que de grands scandales ont ébranlé l'Italie ou la Turquie ces dernières années.

Avant qu'Europol, l'Office européen de police, ne fasse état lundi de centaines de rencontres truquées depuis 2008 à travers le monde, la FIFA et l'UEFA ont tiré la sonnette d'alarme sur ce mal qui risque de pourrir irrémédiablement leur sport et insisté sur le fait qu'elles ne pourraient y arriver seules, sans l'implication des États.

Car même si la FIFA et l'UEFA ont confié à des sociétés extérieures le soin de surveiller d'éventuelles manipulations lors des rencontres dont elles ont la charge, leurs pouvoirs se limitent aux sanctions prévues dans leurs statuts ou autres codes d'éthique pour leurs seuls licenciés.

Risques faibles, profits élevés

«Une fédération nationale peut sanctionner un membre de la famille du football s'il a été prouvé qu'il a enfreint les règlements. Le code disciplinaire de la FIFA offre la possibilité d'étendre ces sanctions jusqu'à une suspension à vie. Mais en ce qui concerne les gens en dehors du football, les sanctions actuelles sont trop faibles et ne font pas assez pour refroidir quelqu'un qui veut tremper dans des matches truqués», a insisté Ralf Mutschke, le patron du département sécurité de la FIFA.

Cet ancien policier allemand, passé par Interpol, racontait mi-janvier qu'un homme condamné pour avoir truqué des matches lui avait donné rendez-vous devant le zoo de Zurich: «Il m'a dit, droit en pleine face: le crime organisé est en train de délaisser ses activités traditionnelles pour se lancer dans les matches truqués parce que les risques sont faibles et les profits élevés».

Le crime organisé a déjà réussi à infiltrer des clubs et des fédérations nationales, selon lui, et des tentatives ont aussi été relatées au sein des confédérations et même de la FIFA elle-même.

Si la Fédération internationale a noué un partenariat avec Interpol, elle s'attelle de son côté à impliquer toute la planète du ballon rond par différentes initiatives, telle l'ouverture d'une ligne téléphonique pour rapporter des faits suspects ou des tentatives de corruption.

Indispensables aveux

«Il faudrait avoir la solidarité totale et complète de la grande famille du football. Avec cela, on pourrait déclencher une offensive. Mais pour cela il faut dénoncer; or personne n'aime dénoncer», déplorait le président de la FIFA, Sepp Blatter, cet automne.

Sans aveu, difficile en effet de prouver une manipulation dans un sport où tout peut arriver. Contrairement à la lutte contre le dopage qui, malgré ses failles, peut compter sur la détection de substances interdites dans les échantillons de sang ou d'urines, les instances sportives n'ont rien d'autre sur quoi s'appuyer.

«Lutter contre les matches truqués est très complexe», insistait le secrétaire général de l'UEFA Gianni Infantino lors d'une conférence sur les matches truqués à Rome mi-janvier. «Nous sommes des gouvernements sportifs, nous ne pouvons lutter contre la criminalité. Ce n'est pas comme le dopage où nous pouvons faire des tests, là nous ne disposons que d'indicateurs pour savoir si un match a été arrangé.»

Aussi, pour l'UEFA et la FIFA, la lutte ne peut marcher qu'avec la coopération des autorités.