Dans un entretien exclusif avec notre envoyé spécial Jean-François Bégin, le PDG du comité organisateur, Danny Jordaan, trace le bilan de la première moitié de ce premier Mondial en terre africaine... et réfléchit à la possibilité d'une candidature olympique.

Q La Coupe du monde est déjà rendue à mi-parcours. Les choses se passent plutôt bien jusqu'ici. Êtes-vous satisfait?

R Ce qui rend fiers tous les Sud-Africains, ce sont les infrastructures. Nous avions promis de les livrer dans les délais et nous avons tenu promesse. Nous avons les meilleurs stades qu'on puisse espérer pour une Coupe du monde. Le logement, le transport, nos aéroports - tout se passe généralement bien et d'après les échos que nous recevons, les équipes sont très satisfaites. La qualité de nos installations pour la télédiffusion est aussi très élevée. Bien des gens disaient que ce serait impossible dans ce pays. Ils savent maintenant que c'est de niveau mondial.

 

Q Diriez-vous alors que l'objectif d'établir la marque de commerce de l'Afrique du Sud, celle d'un pays moderne et avancé technologiquement, a été atteint?

R Nous avions plusieurs objectifs en organisant la Coupe du monde. Un, l'amélioration des infrastructures, qui est réussi. Deux, le développement d'un sentiment national et d'une meilleure cohésion sociale. On n'a qu'à voir la manière dont les Sud-Africains se regroupent pour célébrer le soccer, que ce soit dans la rue ou dans les stades, pour constater l'impact de la Coupe du monde. Trois, la création d'emplois. Plus de 413 000 emplois ont été créés (NDLR: dont plusieurs de nature temporaire). Quatre, le changement de l'image du pays, dont vous parlez. L'image de l'Afrique du Sud n'était pas très positive. Nous sommes donc très contents de voir que les gens ont maintenant un regard différent sur notre pays et sur ce qu'il a à offrir. Et cinq, le sport lui-même. L'Afrique ne compte que pour 2% de l'économie globale du football. Si nous voulons que cette part grandisse, nous avions besoin de stades, d'infrastructures et de partenaires commerciaux.

Q Quelles retombées la Coupe du monde aura-t-elle sur le soccer sud-africain?

R Tous les profits du tournoi, qui devraient se chiffrer entre 70 et 100 millionsUS, vont aller à la Fédération sud-africaine de football. Nous pourrons faire les investissements qui s'imposent dans les communautés, tant pour les infrastructures que pour le personnel, notamment les entraîneurs. L'autre chose, c'est que la Coupe du monde nous permet de constater que le soccer est vraiment le sport du pays. (...) C'est un exercice de «nation-building». Cette Coupe du monde suscite un sentiment de fierté nationale très fort, qu'on ne peut quantifier. Les Sud-Africains croient maintenant qu'on peut réaliser de grandes choses.

Q Justement, le président du Comité international olympique, Jacques Rogge, a dit cette semaine qu'il discuterait avec le président Jacob Zuma de la possibilité de tenir des Jeux olympiques en Afrique du Sud. Vous avez vous-même présidé le comité de candidature du Cap pour les Jeux de 2004. Une nouvelle candidature sud-africaine est-elle envisageable?

R Après la Coupe du monde, les Jeux olympiques seront le seul méga-événement sportif qui n'aura pas encore eu lieu en terre africaine. Et en 2016, les Jeux olympiques auront lieu au Brésil, un autre pays émergent. Le succès de la Coupe du monde va renforcer le mouvement en faveur de Jeux olympiques en Afrique du Sud, même si je ne suis pas au courant de l'existence d'un groupe structuré de gens désireux de tenter l'aventure. Je pense que ce n'est pas juste l'Afrique du Sud, mais tout le continent qui va pousser pour que les Jeux aient lieu en Afrique.

Q Certains observateurs croient que certains des stades construits pour le Mondial deviendront des éléphants blancs. Le risque ne serait-il pas encore plus grand pour les Jeux olympiques?

R Tout dépend de quoi auront l'air les Jeux olympiques en 2020. Seront-ils plus décentralisés et dépendront-ils davantage de l'infrastructure existante du pays?

Q Vous pensez vraiment que le CIO se dirige vers une plus grande décentralisation des sites de compétition?

R La Coupe du monde est décentralisée. Mais je ne suis pas dans les coulisses du CIO. J'ignore quelles sont ses intentions.

Q Le Ghana est le seul des six pays africains participant à la Coupe du monde qualifié pour le deuxième tour. Êtes-vous déçu?

R Nous avions de grandes espérances. Nous espérions que les pays africains feraient beaucoup mieux. Mais la Coupe du monde nous montre que le pouvoir se déplace dans le monde du soccer. Il n'y a plus de grands et de petits pays. Ce qui compte, c'est l'importance de l'investissement que l'on fait dans le développement du sport. Et il y a des signes encourageants pour l'Afrique. Le Nigeria a fait la finale de la Coupe du monde U-17 et celle des Jeux olympiques de 2008. Le Ghana a gagné chez les U-20. Ça nous donne un bon indice de ce qui pourrait se produire lors de la Coupe du monde de 2014, au Brésil.