Né gants aux poings et transpirant corps et âme pour la boxe depuis, le Français Tony Yoka a obtenu à Rio de Janeiro sa récompense ultime, l'or olympique des super-lourds, qui marque l'aboutissement d'une longue quête familiale.

Toute son énergie, toutes ses obsessions, tous ses rêves, étaient dirigés vers ce dimanche 21 août, 15h43 à l'horloge du RioCentro 6.

«C'est toute ma vie», résume le colosse de 24 ans, qui a fait se rencontrer ce jour-là ses scénarii fous d'enfance, ses ambitions de jeune adulte et la vision incantatoire de son père, un ancien boxeur professionnel dont la carrière s'est arrêtée précocement, pour raison de santé.

«Contrairement aux autres qui sont arrivés à la boxe assez tard ou à 12-13 ans, moi je suis né dedans, j'ai baigné dedans», explique Yoka, dont «toute la famille est boxeur».

«Depuis que je suis petit mon père me rabâche: «Tu seras champion olympique, tu seras champion olympique»», poursuit-il. «Je me suis toujours demandé: "Est-ce que je vais rendre mon père, ma famille, fiers?" Parce que je sais que j'en ai les capacités.»

Cette médaille d'or représente pour Yoka la réponse éclatante à ses questions les plus intimes, dont une l'a encore taraudé avant de monter sur le ring. «Je me suis dit: "Tu as parlé, tu as dit que tu venais pour l'or. Maintenant est-ce que tu es un vrai homme? Ou est-ce que tu ne l'es pas?"»

«Pourquoi pas moi» 

Boxeur alpha de la catégorie-reine, celle de Joe Frazier, George Foreman et surtout Mohamed Ali dont il s'inspire dans l'art de l'esquive et des contre-attaques, Yoka a ainsi l'impression de «marquer l'histoire» de son sport, un an après s'être adjugé le titre de champion du monde.

«J'ai toujours regardé des cassettes avec mon père de ces grands noms-là. Je me suis dit, pourquoi pas moi? Je voulais faire partie de ça. Donc il ne fallait pas se louper aujourd'hui. Ça montre que je suis sur leurs traces», estime-t-il.

Le licencié des Mureaux (Yvelines) s'est cependant fait peur, quand sa cheville droite s'est dérobée en demi-finale. Ligament arraché mais articulation fermement bandée - «le strap le plus serré de ma vie», témoigne le kiné de l'équipe - il a perdu en mobilité mais pas en efficacité face au Britannique Joe Joyce.

«C'est un bourrin», s'exclame Yoka au sujet de son adversaire. «Je savais qu'il allait mettre beaucoup beaucoup de coups, qu'il fallait que j'ai une boxe imperméable et que quand je remise, je le touche très nettement. C'est ce que j'ai fait.»

«Je n'allais pas tout gâcher» 

«Chez Tony, tout est dans le mental», abonde son entraîneur depuis 2007 Luis Mariano Gomez, encore sous le coup de l'émotion. «Lui m'a dit: "Mariano, je veux la médaille". Je savais que ça allait marcher.»

Il faut dire que Yoka ne s'était pas tellement laissé le choix non plus, poussé par la médaille d'or de sa fiancée Estelle Mossely chez les -60 kg vendredi. Ces deux-là ont imprégné leur quotidien du rêve olympique.

«Elle est devenue championne olympique et je me suis dit que je n'allais pas ch... dans la colle et tout gâcher», sourit-il.

«Oui... on est le couple en or... Ça sonne bien», s'amuse Mossely, «à fond, à fond, à fond» durant tout le combat de son futur mari, qui passera professionnel après les JO.

Une grosse perte pour la boxe amateur française qui espère cependant tirer profit de JO historiquement prolifique, avec six médailles (deux or, deux argent, deux bronze). Une moisson exceptionnelle, loin devant les trois podiums de Pékin-2008 et Anvers-1920.

«La Team Solide a été au rendez-vous, on a fait de magnifiques Jeux olympiques», pointe ainsi Yoka, en dédiant ces succès à Alexis Vastine, son coéquipier, médaillé de bronze à Pekin et décédé en 2015 dans un accident d'hélicoptère. Un souvenir qui a animé toute la quinzaine le clan français, porté par un souffle inhabituel à Rio.