À l'image de la demi-finale opposant le Canada aux États-Unis, lors du tournoi olympique de 2012, il y a des matchs qui ne s'effaceront pas de la mémoire collective de sitôt. Une série d'ingrédients ont fait basculer ces 120 minutes dans la catégorie des duels épiques: une performance individuelle exceptionnelle de Christine Sinclair, un total de sept buts, des rebondissements jusqu'à la dernière minute et des décisions arbitrales plus que controversées.

«C'est vrai, tout le monde parle encore de ce match [une défaite de 4 à 3]. À ce moment-là, nous n'avions aucune idée qu'autant de Canadiens le regardaient ni de l'effet que cela pouvait avoir, explique Rhian Wilkinson, titulaire cette journée-là en défense. Le soutien que nous avons reçu après ce match est probablement la raison de notre victoire pour la médaille de bronze. La France était meilleure, mais nous carburions à la fierté et à la passion pour notre pays puisqu'on savait que tout le monde était de notre côté et était déçu de la demi-finale.»

Avant cette médaille, qui s'est certainement avérée une étape importante pour la popularité de l'équipe féminine, le Canada avait très peu goûté aux joies olympiques. Si une joueuse peut s'en souvenir aisément, c'est bien Wilkinson, dont la première sélection remonte à 2003. Elle se rappelle l'énorme déception qui avait accompagné la défaite contre le Mexique, lors du tournoi qualificatif pour les Jeux de 2004. («Je pensais que ma seule chance de participer aux Jeux olympiques s'était envolée.») Puis, les choses ont viré avec une première présence aux Jeux de Pékin, quatre ans plus tard, et, finalement, la médaille de bronze à Londres. Les joueuses et les entraîneurs passent, mais Wilkinson est toujours là, prête à disputer ses troisièmes Jeux. Elle mesure bien le chemin parcouru et la différence dans le niveau d'ambition.

«En 2008, l'équipe était entraînée par Even Pellerud qui a réellement placé le soccer féminin canadien sur la carte. C'était un style de jeu très simple, comme on a pu le voir lors du dernier Euro. Nous étions organisées défensivement, jouions très direct avec Christine Sinclair au mieux de sa forme. Carolina [Morace] a installé un jeu de possession, puis John [Herdman] a suivi. En tant que joueuse, tu apprends un peu de chaque entraîneur. John, par exemple, a vraiment développé la jeunesse et mis l'accent là-dessus.»

«Dans cette équipe olympique, on voit qu'il y a beaucoup de joueuses qui n'étaient pas présentes à la Coupe du monde. C'est fou comme tant de choses ont changé en une seule année.»

Avec Diana Matheson, Melissa Tancredi et Sinclair, Wilkinson fait partie des joueuses les plus expérimentées de l'équipe. Celle qui compte plus de 175 sélections ne se voit pas comme une grande soeur, abusant de conseils, auprès d'une troupe dont la moyenne d'âge dépasse tout juste les 25 ans. Les deux tiers de l'effectif disputeront leurs premiers Jeux.

«J'essaie d'être quelqu'un vers qui les plus jeunes peuvent se tourner si elles le veulent ou si elles en ressentent le besoin. Mais je comprends que ce n'est peut-être pas naturel, pour des jeunes de 17 ans, d'aller voir une coéquipière de 34 ans ou qu'il y ait de l'embarras à poser des questions. Mais on essaie de développer un environnement où tout le monde peut parler à tout le monde. Il y a aussi plusieurs types de leaders dans l'équipe que l'on peut consulter. Puis, l'avantage des jeunes, c'est qu'elles n'ont peur de rien. Et pourquoi devraient-elles avoir peur? Elles n'ont jamais perdu contre les États-Unis et n'ont jamais perdu aux Jeux.»

Méfiance

Dans la lignée des Jeux de Londres, le Canada vise une place sur le podium à Rio de Janeiro. Encore une fois, les États-Unis, la France, le Brésil - qui joue à domicile - et l'Allemagne seront les grandes rivales. Canadiennes et Allemandes se retrouveront d'ailleurs dès le premier tour dans un groupe qui comprend aussi l'Australie et le Zimbabwe. Les deux premières se qualifieront pour les quarts de finale, tout comme deux des trois meilleures troisièmes de la compétition.

«Il n'y a que 12 équipes aux Jeux et tout le monde peut battre tout le monde, prévient Wilkinson. À l'Euro, le match Angleterre-Islande a montré que si tu n'es pas prêt, tu vas avoir des problèmes. Tout le monde dit que ce sera très facile contre le Zimbabwe, mais personne ne connaît ni n'a étudié cette équipe. Ce serait une grave erreur de prendre une équipe de haut. Cette compétition est une occasion en or, il n'y a pas d'adversaire trop fort ou trop faible. On devra être prêtes dès le premier match et montrer ce dont on est capables.»