Dommage que Ryan Lochte ait eu à nager la finale du 200 mètres dos 20 minutes plus tôt. Tandis qu'il tentait de chasser l'acide lactique dans le bassin de plongeon, son ami Michael Phelps l'attendait, le couteau entre les dents, pour cette finale du 200 m quatre nages, terrain de leurs batailles les plus épiques.

Phelps a réglé ça au dos, style fort de Lochte, en se donnant une priorité d'une demi-seconde à mi-parcours. Après, il a géré. Enfin, si nager sur le rythme du record mondial de Lochte peut s'apparenter à de la gestion.

Sans ce 200 m dos de Lochte, quelle finale c'eût été!

En même temps, le mur qu'a frappé Lochte offre une perspective sur les exploits de son compatriote, qui s'est frotté à ce genre de défi de récupération à Athènes, Pékin et Londres.

Lochte quittera la capitale britannique avec cinq médailles au cou, deux d'or, deux d'argent et une de bronze. Il a beau s'en être défendu en conférence de presse, ça reste une déception.

Malgré ses 20 médailles olympiques, il restait un exploit que Phelps n'avait pas accompli: la passe de trois dans la même épreuve individuelle.

Seules l'Australienne Dawn Fraser (100 m libre en 1956, 1960 et 1964) et la Hongroise Krisztina Egerszegi (200 m dos 1988, 1992 et 1996) avaient signé un tel triplé. Aucun homme n'y était parvenu.

Le brasseur japonais Kosuke Kitajima s'y est cassé les dents à deux reprises à Londres. De grands champions comme Matt Biondi, Alexandre Popov et Pieter Van den Hoogenband avaient échoué auparavant. Pourtant, ils étaient spécialisés dans un style.

Phelps a réussi en étalant son talent sur les quatre styles et trois distances. À une époque où les demi-finales ont été réintroduites, cela a augmenté la charge de travail.

En attendant de recevoir sa médaille d'or, Phelps n'avait d'ailleurs qu'une chose en tête: la demi-finale du 100 m papillon qui l'attendait. «J'essayais juste de me concentrer sur ça. Je savais que ça allait faire mal», a-t-il dit bien plus tard dans cette froide soirée londonienne.

Il était 22 h 27 quand je lui ai posé la dernière question de la conférence de presse. Je lui ai banalement demandé ce que ce triplé représentait pour lui: «C'est juste cool à ajouter à ton palmarès de savoir qu'on est le premier à avoir réalisé quelque chose. Ç'a fait mal. Je suis peut-être parti un peu trop vite sur le premier 100...»

Puis il s'est interdit de se rejouer le scénario de la course. Il avait déjà le 100 m papillon d'aujourd'hui en tête. Son dernier à vie. Entre-temps, il va laisser aux journalistes le soin de faire le compte de ses records...