La dernière soirée d'athlétisme des Jeux olympiques de Londres s'est transformée en cauchemar pour l'Équipe canadienne. Après avoir cru gagner la médaille de bronze, le relais 4 X 100 mètres a été disqualifié, samedi soir.

Euphoriques, les quatre membres du relais, Gavin Smellie, Oluseyi Smith, Jared Connaughton et Justyn Warner, drapeaux unifoliés sur les épaules, s'apprêtaient à effectuer leur tour d'honneur quand l'annonce de leur disqualification est apparue sur l'écran géant. Comme frappés par la foudre, ils se sont effondrés sur la piste, peinant à croire ce qui leur arrivait.

Connaughton, le troisième relayeur, a touché la ligne intérieure avec son pied gauche juste à la sortie du virage, avant de remettre le témoin à Warner. Après consultation de la reprise, les officiels n'ont eu d'autre choix que de le sanctionner en vertu du règlement qui interdit de toucher à cette ligne.

Même s'il juge ce règlement «stupide», Connaughton ne s'est pas défilé en sortant de la piste. «Je prends l'entière responsabilité sur mes épaules, a déclaré le sprinter de 27 ans. Je suis le capitaine de cette équipe. On a couru un grand relais ce soir. On a démontré qu'on forme l'une des meilleures équipes au monde. Un pas a tout effacé. C'est ça le sport.»

La disqualification du Canada a permis à Trinité et Tobago de mettre la main sur le bronze.

Connaugthon dit s'être excusé «dans les yeux» à ses trois co-équipiers. «Je suis fier de ces gars-là, ils sont comme ma famille, comme mes petits frères. On vit et on meurt en équipe.»

Cinquième au moment de la transmission du témoin, Warner a profité d'un échange particulièrement fluide pour remonter le Japon et la France et franchir la ligne derrière le Jamaïcain Usain Bolt et l'Américain Ryan Bailey.

Les Canadiens ont bouclé la distance en 38,07 secondes, un temps deux centièmes plus lent que celui de la demi-finale.

Un appel de l'équipe canadienne a été rejeté après révision des bandes vidéo.

Warner était particulièrement dévasté. En pleurs, il a répondu aux questions plié en deux, les mains sur les genoux. «On s'est dit : on l'a fait, a-t-il raconté au sujet des célébrations qui ont suivi la fin de la course. «On savait qu'on l'avait fait. On s'est embrassé, on s'est fait des accolades. Puis on a vu la disqualification... C'est la pire façon de perdre une médaille.»

Glenroy Gilbert, entraîneur du relais, a qualifié la disqualification de «dévastatrice» sans être «injuste». «Jared est un vétéran, il a fait toutes ces compétitions très souvent, il comprend le règlement», a indiqué celui qui avait assuré la deuxième portion du relais champion olympique de 1996.

Trop nerveux pour être dans le stade, Gilbert a assisté à la course sur un écran depuis la piste d'échauffement. Comme ses hommes, il a explosé de joie quand il a vu le dénouement initial, recevant les félicitations des Jamaïcains et des Américains. «Tout le monde était content de voir que le Canada était de retour», a-t-il raconté.

«C'est une pilule difficile à avaler, a poursuivi Gilbert. Au moment où ça comptait le plus, ce soir, ça n'a pas été le cas. C'est décevant, j'aimerais trouver d'autres mots, mais je ne peux pas.»

«On dit que les choses arrivent pour une raison. Pour le moment, je ne connais pas cette raison, mais je suis certain que ça deviendra plus clair avec le temps.»

Le même règlement, qui a été renforcé en 2006, avait privé l'Américain Wallace Spearmon et Churandy Martina, des Antilles néerlandaises, d'une médaille au 200 m aux JO de Pékin.

«Avant, on avait le droit à un maximum de trois pas consécutifs (sur la ligne ), a souligné Connaughton. Je ne veux pas pointer le doigt, mais il y a plusieurs règlements stupides dans ce sport, comme celle d'un seul faux départ. C'est un jeu de pouces et les athlètes doivent prendre leur responsabilité.»

Connaughton a comparé sa situation à celle du receveur de passes des Patriots de la Nouvelle-Angleterre Wes Welker, qui a échappé une passe clé dans les derniers instants du Super Bowl, en février.

«Ils l'ont tous blâmé, a rappelé le vétéran sprinter. Mais c'est une course à quatre. Tout le monde a pris sa responsabilité et réussi une grande course. On a gagné une médaille de bronze, personne ne peut nous enlever ça. On ne l'aura pas autour du cou. En tel cas, c'est de ma faute.»

De l'avis général, cette conclusion en queue de poisson ne doit pas remettre en cause la qualité du travail effectué au cours des dernières années.



Photo : Bernard Brault, La Presse