Il y a un grand vide dans la chambre des nageuses Victoria Poon et Barbara Jardin au village des athlètes des Jeux de Londres. Geneviève Saumur, leur alliée habituelle, n'est pas là pour les divertir.

Saumur est chez elle, à Montréal, où elle se remet d'une thyroïdectomie subie le 19 juillet à l'hôpital Notre-Dame. L'ex-nageuse, membre de l'équipe canadienne à Pékin, a dû se soumettre à cette intervention après un diagnostic de cancer de la thyroïde au début du mois de juin.

«Je pensais que le prochain défi dans ma vie, c'étaient les Jeux olympiques de cette année, a dit Saumur au téléphone mercredi. Finalement, mes propres Jeux, c'était le cancer. Je ne les ai pas faits à Londres, je les ai faits à Notre-Dame!»

Saumur a gardé son sens de l'humour, mais son ton de voix trahit les séquelles de l'opération. Ce n'est rien par rapport à la semaine dernière, lorsqu'elle ne pouvait que chuchoter. Le moral est bon, même si elle admet que les larmes lui montent aux yeux quand elle parle au téléphone avec Victoria et Barbara.

Mince consolation, sa convalescence coïncide avec le début des épreuves de natation à Londres. «Je n'aurai pas besoin d'excuses pour regarder la télévision... En même temps, je suis convaincue que ça va ouvrir la plaie, surtout pour le 200 libre et le relais 4 x 200 libre. Je vais crier dans mon salon, je vais encourager les gens là-bas. Mais je mentirais si je disais que ça ne me fera pas un pincement au coeur.»

Déception

Après une expérience difficile l'été dernier aux Mondiaux de Pékin, où elle a été exclue du relais 4 x 200 m libre, Saumur a décidé de quitter son entraîneur Benoit Lebrun et le centre du Stade olympique pour se joindre aux Carabins de l'Université de Montréal. Elle était persuadée de pouvoir se qualifier pour ses deuxièmes JO, tout en prenant soin de sa santé, qu'elle sentait décliner depuis plusieurs mois. Fatigue, déséquilibres hormonaux, difficultés d'adaptation aux voyages: ni elle ni son équipe médicale ne comprenaient ce qui lui arrivait.

Après un léger regain en septembre, la «chute libre» s'est poursuivie jusqu'en décembre. Son médecin, la Dre Suzanne Leclerc, lui a alors suggéré une pause complète pour enfin trouver la source de ses problèmes. «Je me suis donné deux semaines pour réfléchir, raconte Saumur. J'avais de la difficulté à vaquer à mes occupations quotidiennes. Je n'ai pas repris l'entraînement.» Ça signifiait la fin de ses aspirations olympiques.

En avril, Saumur a donc suivi les sélections de Montréal des gradins. Bien qu'heureuse de la qualification de ses amies, ça lui a «fendu le coeur» d'assister, impuissante, à la finale du 200 m libre, son épreuve fétiche dont elle détient toujours le record canadien. «J'aurais pu faire l'équipe, pense-t-elle. Les temps étaient rapides, mais je sais que j'aurais pu être aussi rapide.»

Nouvelle épreuve

Une autre épreuve attendait Saumur. Quelques semaines plus tard, elle s'est fracturé les deux talons à la suite d'une bête chute en descendant un escalier. Elle en a été quitte pour deux mois de fauteuil roulant, de déambulatoire et de bottes orthopédiques.

C'est lors d'un rendez-vous de suivi que la Dre Leclerc a noté la présence d'un nodule de 2 cm sur 2,5 cm sur la glande thyroïde de l'athlète. Après une biopsie, un diagnostic de carcinome papillaire est tombé. Saumur est retournée à sa voiture «comme un zombie», sans réaliser qu'un violent orage secouait la métropole. «J'étais en état de choc. J'avais 24 ans, je viens d'en avoir 25, je ne suis pas censée avoir le cancer.»

En même temps, Saumur a enfin mis le doigt sur ce qui la minait depuis un an et demi. «Je dois avouer que j'étais quand même soulagée, dit-elle. Le cancer, ça fait peur. Mais tous les doutes que je pouvais avoir sur moi s'expliquaient. Ce n'est pas moi qui étais trop vieille, pas bonne, plus concentrée ou qui avais perdu la passion.»

Réconfort

Heureusement, le cancer de la glande thyroïde se traite très bien, en particulier le carcinome papillaire, type le plus fréquent. Saumur devra néanmoins se médicamenter pour le reste de ses jours. Elle remercie la Dre Leclerc, qui travaille avec l'équipe canadienne à Londres, de l'avoir prise au sérieux et de lui avoir peut-être sauvé la vie.

Elle a trouvé du réconfort auprès de Jardin et Poon, ses coéquipières pendant de nombreuses années. Avant leur départ pour l'Europe, ces dernières lui ont remis un cadre photo en céramique fait à la main en guise de cadeau d'anniversaire. Saumur a donné à chacune une photo encadrée d'elles ensemble avec des mots d'encouragement. Ces photos sont bien en vue dans leur chambre au village des athlètes. «Même si elle n'est pas là physiquement, elle est toujours avec nous», a souligné Poon après son entraînement, hier matin.

Saumur n'envisage pas de faire un retour à la natation. Elle veut s'occuper de sa santé, terminer son baccalauréat en kinésiologie et peut-être un jour participer à des compétitions de sauvetage. «Je sais que la prochaine année sera aussi difficile. C'est un combat continuel. Ça remet ma vie en perspective au grand complet. Je suis allée aux Jeux olympiques. Je vais avoir battu le cancer. J'ai le goût de pousser plus loin. Je ne suis pas Wonder Woman, mais pas loin.»