Surnommées les Zil lanes en référence aux voies jadis réservées aux potentats de l'ex-URSS, des routes destinées à la famille olympique compliquent la vie des Londoniens, spécialement celle des chauffeurs de taxi. Mais grâce au désengorgement miraculeux du métro, leur calvaire pourrait être de courte durée.

«Je ne vous répéterai pas les obscénités que mes techniciens disent au téléphone.» Fraser White joue le psychologue ces jours-ci avec son personnel qui doit parcourir la grande région de Londres pour répondre aux appels des clients. Depuis la mise en place le 25 juillet du réseau olympique routier, qui court sur 48 kilomètres, les déplacements de ses hommes sont devenus cauchemardesques.

«Parfois, ils sont coincés deux ou trois heures dans un bouchon», ajoute M. White, gérant du service de réparation de Johnson Health Tech, fournisseur de machines d'entraînement.

Plusieurs artères-clés de la capitale, comme l'autoroute principale m4, qui dessert l'aéroport d'Heathrow et l'ouest de Londres, sont devenues des zones interdites pour les automobilistes pressés. Ceux qui seraient tentés de se faufiler sur les précieuses voies seront frappés d'une amende de 300$.

Elles ont été mises en place à la demande du Comité international olympique (CIO) pour éviter le fiasco des Jeux d'Atlanta, où des athlètes avaient raté leurs épreuves à cause de la congestion routière.

Livraisons nocturnes

Embauche d'employés, livraison au petit matin, ravitaillement préventif: les entreprises ont tenté de prévoir le coup par tous les moyens. Fraser White a opté pour la première solution. «Nous avons devancé l'embauche de deux techniciens avant les Jeux, dit-il. Honnêtement, la facture pour leurs heures supplémentaires s'annonce salée, même si notre volume d'appels a baissé.»

Les petites entreprises seront les plus grandes perdantes des perturbations, croit David Waterman, fournisseur de boîtes de carton pour les partenaires commerciaux des Jeux. «C'est vraiment difficile au jour le jour de prévoir où la circulation sera chaotique», dit le patron d'I. Waterman Box Makers.

Réouverture prochaine des voies?

Les chauffeurs de taxi, eux, ne décolèrent pas et multiplient les manifestations et les coups d'éclat. Le 23 juillet dernier, l'un d'eux a plongé tête première dans la Tamise du haut de Tower Bridge. «C'est vraiment difficile en ce moment, explique Tony, du syndicat United Cabbies Group. Les autorités ont retiré trois artères majeures de la circulation qui relient le sud et le nord de la ville. Nous voulons qu'elles ouvrent au moins une des trois.»

Les souhaits des black cabbies (les conducteurs des emblématiques taxis noirs) pourraient bien être exaucés. La raison? Les véhicules sont si rares sur les voies olympiques que certaines ont été sporadiquement rouvertes depuis lundi.

Et à la surprise générale, le réseau de transports en commun va si bien que même Jacques Rogge le préfère à sa limousine. «Il semble que les bureaucrates des Jeux utilisent le réseau, s'est félicité le maire Boris Johnson lundi. Jacques Rogge [président du CIO] a pris le DLR [Docklands Light Railways] pour se rendre au parc olympique aujourd'hui. C'est une excellente nouvelle.»

Agréable surprise dans le «tube» 

Les Londoniens anticipaient l'enfer pendant les Jeux dans leur métro, vieux et vulnérable aux pannes. C'est peut-être pour cette raison que 1,5 million d'entre eux travaillent de la maison, selon les estimations de la chambre de commerce de Londres.

Le résultat se ressent dans le tube qui est beaucoup moins engorgé que prévu. «Je m'attendais à ce que ce soit plus occupé, dit Stuart Thomson, rencontré à la station Charing Cross mardi soir. J'ai visité le parc olympique samedi et mon trajet sur la ligne Jubilee s'est déroulé comme un charme. J'étais vraiment surpris.»

C'est une victoire retentissante pour les services de transport de la ville (TFL), qui enregistrent seulement une hausse de 7,5% de la fréquentation par rapport à juillet 2011, soit 250 000 trajets. Et ce, malgré l'ajout de 1 million de touristes dans le réseau.

Les pressions sur les principaux employeurs de la ville pour faciliter le télétravail ont donc porté leurs fruits. Dans le secteur public, un fonctionnaire sur cinq travaille de la maison. Il y a bien eu quelques problèmes depuis la cérémonie d'ouverture.

Six quais de London Bridge, qui accueille 55,8 millions de passagers par année, ont été fermés lundi soir afin de laisser place à 50 000 spectateurs qui revenaient d'un événement équestre à Greenwich. Et la ligne Central qui dessert le parc olympique a été fermée mardi matin à la suite d'une alerte à l'incendie. Mais ces inconvénients semblent trop beaux pour être vrais pour les Londoniens qui s'attendaient à bien pire.