Nathan MacKinnon n'était jamais allé aussi loin de sa vie. Plus de 7600 km séparent Cole Harbour, le village de Nouvelle-Écosse où il est né, de la ville d'Ufa, en Russie, où commence cette semaine le Championnat mondial junior.

Avant cela, son plus long voyage l'avait mené en Slovaquie. C'était en août 2012, à l'occasion du tournoi Ivan-Hlinka, le championnat des moins de 18 ans. Il avait survolé le tournoi avec 5 buts et 11 points en 5 matchs, dont un tour du chapeau lors de celui pour la médaille d'or contre la Finlande.

La légende du «nouveau kid de Cole Harbour» venait de prendre du galon et plaçait l'attaquant de 16 ans au sommet des convoitises en vue du repêchage de 2013 de la Ligue nationale.

Seize mois plus tard, un autre voyage formera la jeunesse, et toute la LNH est impatiente de voir si MacKinnon en tirera profit d'aussi élégante façon.

Une histoire de famille

MacKinnon a appris à patiner à l'âge de deux ans et demi sur l'étang derrière chez lui. Plus tard, avant que la véritable école ne commence, il s'est mis à se lever à 6h du matin pour aller à son cours de power skating.

Son père, Graham, inspecteur au Canadien National, l'a accompagné tout au long de ces années où la passion et le sérieux se conjuguaient pour faire de son fils le joueur qu'il est aujourd'hui.

«Mon père m'a soutenu à travers tout ce que j'ai vécu, raconte MacKinnon. Il connaît mon jeu mieux que n'importe qui. C'est bon de l'avoir à mes côtés, car il peut me parler après chaque match.»

Aujourd'hui, le jeune joueur retrouve le nid familial après chaque rencontre des Mooseheads de Halifax. Et lorsqu'il traverse les deux tiers du globe pour aboutir à Ufa, c'est toute la famille - son père, sa mère Kathy et sa grande soeur Sarah - qui fait le voyage pour l'encourager.

Un nouveau prophète

La planète hockey est toujours pressée d'annoncer la venue d'un nouveau prophète. Année après année, elle braque ses projecteurs sur de jeunes phénomènes adolescents. Il y a eu Crosby, ensuite John Tavares, puis MacKinnon, et maintenant Connor McDavid. Ce sont les vedettes de demain... sinon d'après-demain.

N'est-ce pas mettre beaucoup de pression sur des jeunes qui n'en ont pas besoin?

«C'est sûr qu'un joueur peut se laisser accaparer par cela et que ça peut lui nuire, admet MacKinnon. Mais toute cette attention ne doit pas nous faire oublier qu'on n'a pas encore atteint notre objectif et qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

«C'est du moins ma façon d'aborder les choses.»

MacKinnon a grandi en étant le meilleur partout où il passait. Du moins jusqu'à ce que Jonathan Drouin entre dans sa vie...

Un garçon timide, originaire des Laurentides mais stationné pendant quelque temps au lac Saint-Louis, est arrivé chez les Mooseheads au cours de la saison dernière. Les feux d'artifice ont commencé pendant les séries éliminatoires et n'ont pas cessé depuis. Drouin est devenu l'ailier gauche attitré de MacKinnon et ensemble, ils font la pluie et le beau temps dans les Maritimes.

Ces projecteurs braqués sur MacKinnon depuis si longtemps l'ont fait connaître sous toutes ses coutures, alors que le talent de Drouin s'épanouit sous les yeux de recruteurs qui ont encore du mal à en projeter l'étendue.

Le fait qu'on entende chuchoter que MacKinnon n'est même pas le meilleur joueur des Mooseheads n'a pas de quoi énerver le principal intéressé. Tout le succès et les éloges que reçoit Drouin lui font plaisir.

Car les deux sont devenus de grands amis.

«Ça a cliqué entre nous autant sur la patinoire qu'en dehors, raconte MacKinnon. Peut-être que notre chimie sur la glace nous a encouragés à passer plus de temps ensemble. Chose certaine, nos personnalités se sont rejointes et on a beaucoup de plaisir ensemble.»

Pendant le camp de sélection d'ÉCJ, Drouin entraînait régulièrement MacKinnon dans le sillon des joueurs québécois de la LHJMQ.

«Nathan fait la liaison entre les deux groupes, a raconté Charles Hudon, à Calgary. Il est souvent avec nous à cause de Jonathan. On rit beaucoup avec lui parce qu'il se permet quelques blagues en français.»

«Je ne parle pas suffisamment le français pour avoir une longue conversation, mais je le comprends assez bien... pour autant qu'on ne me parle pas trop vite», a précisé MacKinnon.

«Si je dois jouer à l'aile, je le ferai. Mais je serais très heureux de rester au centre.»

Pour en finir avec Crosby

MacKinnon et Drouin ont imité Wade Redden (1995) et Sidney Crosby (2005) en se taillant une place au sein d'Équipe Canada junior au moment où la LNH, en lock-out, est en mesure de libérer certains éléments au profit des diverses équipes nationales.

Certains trouvent là une énième raison de lier MacKinnon à Crosby. Une comparaison qui pourtant ne tient pas la route sur le plan hockey... et qui finit par lasser le principal intéressé.

«Mis à part le fait qu'on vient du même endroit, c'est le jour et la nuit entre lui et moi, avance MacKinnon, dont le style s'apparente davantage à celui de Jarome Iginla qu'à celui de Crosby. Sid, c'est Sid et je n'ose pas imaginer que je pourrais devenir le genre de joueur qu'il est.»

C'est à la fois un beau compliment et un handicap que d'être sans cesse associé à Crosby. Qu'il s'agisse de son enfance à Cole Harbour, de son intérêt précoce pour les Penguins de Pittsburgh ou de son passage à l'école Shattuck's St. Mary, plusieurs choses ont lié les deux joueurs. Et lorsque leurs chemins se sont croisés, MacKinnon a retenu une leçon de ténacité.

«Ce n'est pas tant ce qu'il m'a dit que la façon dont il se comporte, a-t-il affirmé. Il a l'air de ne jamais se fatiguer sur la patinoire, il reste toujours droit comme un chêne. Il veut toujours en faire plus.

«Sa détermination et son ardeur au travail en disent plus sur lui que ce qu'il pourrait me dire.»

Au centre ou à l'aile

MacKinnon semble avoir compris avant tout le monde qu'il aurait son propre parcours et que ses actions finiraient par mettre une distance entre Crosby et lui.

Première différence fondamentale, qui en soi suggère de tempérer les attentes: MacKinnon n'est pas assuré d'être le premier choix au prochain repêchage. Plusieurs recruteurs salivent devant le défenseur américain Seth Jones et d'autres voient chez Jonathan Drouin un joueur qui pourrait avoir l'impact d'un Claude Giroux.

De plus, il n'est pas acquis qu'il demeurera joueur de centre. On le voit avec Alex Galchenyuk, certains des centres les plus prometteurs sont mutés à l'aile durant leur développement.

Jonathan Huberdeau a été repêché en tant que joueur de centre par les Panthers de la Floride. Or, cela fait deux ans qu'il joue régulièrement à l'aile chez les Sea Dogs de St. John.

«Je verrai lorsque je serai repêché à quel endroit je me situe dans l'organigramme de l'équipe qui m'aura réclamé», confie MacKinnon, qu'Équipe Canada junior entend surtout utiliser à l'aile durant le Mondial.