Craig Anderson l'admet lui-même: il n'a pas toujours été un grand optimiste. Ce qui est sans doute normal pour les gardiens qui, comme lui, sont repêchés deux fois, se promènent d'équipe en équipe ou se font soumettre au ballottage sans délicatesse au cours de leur carrière.

C'est cette saison, vraiment, que Craig Anderson a commencé à voir les choses autrement, et il aura fallu un très triste coup du sort pour qu'il puisse y arriver.

«Je n'ai pas toujours été du genre à voir le verre à moitié plein, a-t-il confié récemment à La Presse. Mais quand ça ne se passe pas comme prévu, on a un choix à faire. Et ça change ta façon de voir les choses, sur le hockey, la famille, les amis. Après une telle épreuve, tu deviens un gars qui voit le verre à moitié plein...»

L'épreuve en question, on la connaît tous.

L'épreuve en question a marqué de façon indélébile le gardien des Sénateurs d'Ottawa, qui n'a pas oublié ce jour de la fin du mois d'octobre, quand il a choisi de quitter l'équipe pour aller épauler sa femme Nicholle, attaquée par une forme rare de cancer de la gorge.

C'est seulement quand l'état de sa femme s'est amélioré, à la suite des traitements de chimiothérapie, qu'Anderson a choisi de revenir dans le giron de l'équipe, à la fin du mois de janvier. Peu à peu, le vétéran de bientôt 36 ans est redevenu lui-même, et il tentera, ce soir (19h) à Manhattan, de mener les Sénateurs à une troisième victoire lors du troisième match de leur série contre les Rangers de New York.

Ça n'a pas été si facile d'en arriver là, et Anderson admet qu'il a eu besoin de temps pour retrouver ses repères au retour de cette difficile pause que lui et Nicholle auraient bien sûr aimé éviter.

«On doit mériter tout ce qu'il y a à mériter dans cette ligue. Quand je suis revenu ici, j'avais beaucoup de travail à faire. Condo [Mike Condon] jouait bien, l'équipe gagnait, et je ne voulais pas arriver ici et déranger les gars.»

Condon, qui a gardé la maison pendant l'absence d'Anderson, a du mal à comprendre que son coéquipier ait pu retrouver sa forme des beaux jours aussi rapidement.

«Je ne peux même pas imaginer ce qu'une telle épreuve peut faire sur une famille, et j'ai été chanceux, je vais toucher du bois, je n'ai pas eu à vivre une telle histoire de cancer dans ma famille, a expliqué l'ancien gardien du Canadien. Je ne pourrais imaginer jouer à un tel niveau tout en ayant à m'occuper d'une famille à la maison dans ces circonstances. Des fois, on est tellement intenses au hockey qu'on oublie que ce n'est qu'un jeu.»

C'est finalement le 11 février que Craig Anderson, à son premier départ en 69 jours, a pu reprendre sa place devant le filet. De façon éclatante, en plus : un blanchissage de 3-0 contre les Islanders de New York. Dans le vestiaire des Sénateurs, on tentait seulement de lui redonner un semblant de normalité.

«Je ne voulais pas trop lui parler de la maladie, explique l'attaquant Bobby Ryan. Je lui ai envoyé des textos pour lui dire qu'il pouvait appeler pour parler de tout et de rien. Il était déjà revenu à l'occasion à l'aréna pour patiner un peu, pour s'entraîner de temps à autre. Personne ne le savait, mais il demeurait dans l'entourage, et quand il est revenu pour de bon, nous lui avons laissé une semaine pour se retrouver un peu. Il est revenu au jeu et il a volé un match en partant. C'est là qu'on a compris qu'il était vraiment de retour.»

Mike Condon a lui aussi préféré éviter les discussions un peu trop sérieuses.

«Je voulais lui laisser son espace, raconte-t-il, parce que je suis certain que l'aréna était devenu un genre d'échappatoire pour lui. Je crois qu'il aime venir ici parce que ça lui change les idées.» 

«Il n'a pas changé, son jeu n'a pas changé. Je ne crois pas que ce soit possible de savoir ce qu'il a vécu en le regardant jouer.»

Sans surprise, Craig Anderson a été sélectionné pour l'obtention du trophée Masterton. Maintenant, il n'est plus qu'à deux petites victoires d'une présence en finale de l'Association de l'Est avec les Sénateurs.

De quoi voir le verre à moitié plein...

«J'essayais de rester optimiste cet hiver, au moins en pensant que les choses allaient s'améliorer, a-t-il ajouté. Tout le monde a poussé dans la même direction afin que nous puissions maintenir un semblant de normalité. C'est un peu le résultat de tous les appuis que ma femme et moi avons pu obtenir, des amis, des coéquipiers, de toute l'organisation. Ce qui arrive présentement, c'est une suite de choses qui coïncident, comme si tout tombait en place.»