Devant les partisans du Canadien qui l'appellent encore affectueusement le Bleuet lorsqu'ils l'apostrophent dans la rue ou dans les couloirs du Centre Bell, devant les caméras de RDS, au micro de CKAC, partout où il passe, Mario Tremblay respire le bonheur.

«Mets-en que je suis heureux!» lance-t-il avec vigueur, son accent de petit gars d'Alma intact malgré 10 longues années d'exil au Minnesota et au New Jersey, lorsque La Presse lui souligne à quel point il a l'air bien, en paix avec lui-même, heureux.

Rien à voir avec l'entraîneur-chef fatigué, écorché, torturé qui, la voix tremblante, les larmes aux yeux et la gorge nouée par la rage et l'émotion, a démissionné le 30 avril 1997 pour mettre un terme à un court séjour de deux années tumultueuses à la barre du Canadien de Montréal.

S'il admet candidement que les premiers anniversaires commémorant cette triste journée l'ont hanté, Mario Tremblay assure que celui qui se pointe -le 14e- ne l'effraie pas le moins du monde.

«Le temps arrange bien les choses», lance Tremblay après s'être offert quelques secondes de réflexion.

Loin de se contenter de ce cliché, le Bleuet l'appuie d'une anecdote qui lui a permis non seulement de tourner la page sur la fin abrupte qu'il a connue à Montréal, mais de fermer le livre une fois pour toutes.

«En janvier dernier, en revenant d'une activité promotionnelle organisée par le Canadien, je me suis retrouvé au Centre Bell. L'équipe était à l'étranger. Il n'y avait pas un chat dans la place. Je devais prendre une douche. Cette douche, c'est dans le vestiaire du Canadien que je l'ai prise», raconte Tremblay.

Bien que banale en soi, cette douche a permis à Mario Tremblay de nettoyer bien plus que quelques gouttes de sueur. Elle lui a permis de nettoyer des souvenirs malheureux qui, jusque-là, semblaient tatoués sur sa peau.

«Après ma douche, j'ai fait le tour du vestiaire, je suis allé dans la chambre, j'ai regardé les casiers, je me suis rappelé mon passage comme coach et je me suis senti bien. C'est là que j'ai bouclé la boucle.»

Quand on lui demande s'il regrette d'avoir accepté le défi fou de succéder à Jacques Demers alors qu'il n'avait pas la moindre expérience, Mario Tremblay répond sans la moindre hésitation: «Pantoute! J'ai fait des erreurs, c'est vrai. J'ai vécu les incidents que j'ai vécus (NDLR : le départ de Patrick Roy et sa crise envers Donald Brashear), mais je n'ai jamais raté les séries. J'ai fermé le Forum. J'ai ouvert le nouveau building. J'ai vécu des maudits beaux moments, et c'est ça que je veux me rappeler maintenant. Je n'ai plus de rancune. Je suis passé à autre chose», assure Tremblay.

Exil nécessaire

Si la douche symbolique de janvier a permis à Mario Tremblay d'achever sa «thérapie», les 10 années d'exil avaient fait le gros du travail. Cet exil nécessaire au cours duquel il a travaillé en compagnie de Jacques Lemaire a permis à Tremblay de rebâtir sa confiance professionnelle, et aussi, surtout, sa confiance personnelle.

«Je ne pense pas que j'aurais pu revenir à Montréal après cinq ans et me sentir bien comme je me sens bien aujourd'hui. Travailler avec Jacques m'a permis d'apprendre beaucoup sur le hockey et sur moi. C'est tough de travailler avec Coco. Il est malcommode des fois, il est exigeant et t'as affaire à être prêt quand il pose des questions ou te demande ton avis sur quelque chose. Et il le fait bien plus souvent que les gens pensent. Ça m'a permis de devenir un bien meilleur coach que lorsque j'ai dit oui à Réjean (Houle) et à M. Corey.»

Malgré l'expérience et la confiance acquises auprès de Lemaire, Mario Tremblay assure qu'il est hors de question de songer, ne serait-ce qu'une seconde, à un retour derrière le banc d'une équipe de la LNH.

«J'ai joué 12 ans pour le Canadien de Montréal. J'ai gagné 5 fois la Coupe Stanley. J'ai été adjoint pendant 10 ans. J'ai travaillé avec du monde solide comme Jacques, Doug Risebrough, Lou Lamoriello. J'ai la chance d'avoir de belles jobs à RDS et à CKAC où je travaille encore pour des bons leaders en Gerry Frappier et Michel Tremblay. Avec ma femme Colette, on a retrouvé nos filles Janie et Claudia et mes deux petits-fils Mattis et Danick. La vie a été bonne pour moi. Le temps est venu aujourd'hui d'en profiter», souligne Tremblay qui vient d'ailleurs d'acheter un filet de hockey pour jouer avec ses petits-fils, qu'il pourra «coacher» de temps en temps...

Retour à la maison

Après une heure d'entretien, le nom de Patrick Roy finit par tomber. La réaction de Mario Tremblay est immédiate: on le sent se raidir. Tremblay n'aime pas revenir sur le match du 2 décembre 1995 et l'affrontement qui a sonné le glas de la carrière du gardien à Montréal.

Lorsqu'on demande à Tremblay s'il se souvient du discours de Patrick Roy à son retour au Centre Bell pour le retrait de son chandail numéro 33, s'il se souvient du «Je reviens chez nous» lancé par le gardien aux partisans qui l'ont accueilli à bras ouverts, il répond par l'affirmative tout en se demandant où cette question va le conduire.

Le Bleuet retrouve le sourire lorsqu'on lui demande ensuite si, comme Patrick Roy, il estime être revenu chez lui. Et y être revenu par la grande porte, à titre de commentateur populaire et apprécié des activités du Canadien à la télé et à la radio.

«Ah, ça oui! Je suis de retour chez moi. Montréal, c'est ma ville, c'est ma vie. Je suis arrivé d'Alma à 14 ans, je ne suis jamais reparti avant de suivre Coco au Minnesota. C'est peut-être la seule chose qu'on a en commun, mais je suis d'accord avec Patrick sur ce point: on s'est éloignés d'ici pendant quelques années, mais là on est tous les deux revenus à la maison.»