La valeur d'un hockeyeur peut changer radicalement au fil des années.

Il y a deux ans, je m'étais amusé à demander à deux recruteurs et à un agent de refaire le repêchage de 2003. Dion Phaneuf, repêché au neuvième rang par les Flames de Calgary cette année-là, figurait en tête de liste du premier dépisteur consulté, il était deuxième sur celle de l'agent mais huitième sur celle du second recruteur, qui avait osé lui préférer Ryan Suter, des Predators de Nashville.

«Je crois que Suter fait une meilleure première passe que Phaneuf et il est plus intelligent sur la glace, m'avait confié ce dépisteur. Il frappe peut-être moins solidement, mais il est aussi dur. Phaneuf compense beaucoup par son énergie, mais sa lecture du jeu n'en fait pas un joueur de concession. Il a d'ailleurs connu des difficultés en séries éliminatoires le printemps dernier à cause de ça. Avec les années, Phaneuf va coûter très cher en salaire à son club...»

Le commentaire du recruteur en question en avait fait sursauter - et même rigoler - plus d'un le 18 décembre 2007. Suter avait terminé l'année avec 24 points seulement tandis que Phaneuf allait atteindre pour la première fois le plateau des 50. Bref, notre homme était seul dans son camp et Phaneuf était perçu comme le joyau du repêchage de 2003.

Deux ans plus tard, Phaneuf a été échangé aux Maple Leafs de Toronto contre Ian White, Matt Stajan et Niklas Hagman. Qui l'eut cru alors?

Phaneuf, Ryan Getzlaf, Eric Staal, Patrice Bergeron, Mike Richards, Corey Perry et Zach Parise figuraient sur chacune des trois listes. Bergeron était le seul du groupe à figurer dans le top cinq des trois hommes.

Par contre, le gardien Marc-André Fleury, qui s'apprêtait à décoller après les Fêtes à Pittsburgh, était sur une seule des trois listes, celle de l'agent, au neuvième et avant-dernier rang. Deux ans plus tard, il a une Coupe Stanley en banque et il participera aux Jeux olympiques.

D'autres joueurs exclus? Jeff Carter, des Flyers de Philadelphie, qui avait obtenu 37 points en 62 matchs l'année précédente et qui allait plus tard en amasser 53, le même total qu'Andrei Kostitsyn, du Canadien, cette saison-là. Carter allait exploser l'année suivante avec 46 buts et 84 points.

Le défenseur Brent Seabrook, des Blackhawks de Chicago, n'était sur aucune liste non plus. Il participera aux Jeux olympiques avec l'équipe canadienne dans quelques semaines. Ryan Kesler, des Canucks de Vancouver, n'avait pas la cote non plus il y a deux ans. On aimait ses qualités en défense, mais on ne se doutait peut-être pas qu'il aurait 48 points en 54 matchs, tout en excellant dans les trois zones, quelques saisons plus tard.

Loui Eriksson, lui, commençait à peine à se faire une place dans la LNH avec les Stars de Dallas. Aujourd'hui, il est parmi les 30 meilleurs compteurs de la Ligue, à un point de Ryan Getzlaf et Corey Perry, tous deux des Ducks d'Anaheim.

Le défenseur Shea Weber, des Predators, n'avait pas retenu non plus l'attention de nos experts. Il n'avait pas encore décollé en attaque. Aujourd'hui, personne ne choisirait Phaneuf avant Weber.

On pourrait aussi parler de cet obscur choix de septième ronde, Joe Pavelski, qui entamait sa deuxième saison avec les Sharks de San Jose au moment du sondage. Aujourd'hui, le DG Doug Wilson préférerait probablement Pavelski à ses deux choix de première ronde de l'époque, Milan Michalek (5e) et Steve Bernier (16e), qui tous deux figuraient sur au moins une liste. Et nous n'avons pas encore mentionné Tobias Enstrom, repêché en huitième ronde par les Thrashers d'Atlanta, le sixième compteur chez les défenseurs de la LNH, que plusieurs prendraient désormais avant Phaneuf.

En bref, l'exercice démontre qu'il est très difficile de porter un jugement certain sur des choix au repêchage avant de nombreuses années. Celui-ci a été réalisé quatre ans après le repêchage de 2003. Deux ans plus tard, soit six saisons après le repêchage, les listes ne tiennent plus.

On en entend plusieurs porter des jugements sur les repêchages de 2005, 2006 et même 2007. Benoît Pouliot était considéré comme un flop selon plusieurs l'an dernier. Il commence à se faire valoir.

La valeur du défenseur des Stars, Matt Niskanen, a baissé cette année. Où en sera Carey Price dans deux ans? P.K. Subban deviendra-t-il le défenseur que tous auraient repêché parmi les 10 premiers en 2007? Lars Eller, un choix de première ronde des Blues de St. Louis en 2007 dont on parle peu, comparativement à David Perron, sera-t-il une révélation? Jonathan Bernier, un choix des Kings de Los Angeles qu'on oublie un peu ces temps-ci puisqu'il joue dans la Ligue américaine, reprendra-t-il du galon devant Steve Mason, des Blue Jackets de Columbus, d'ici cinq ans?

Beaucoup de questions encore sans réponse. Mais ce proverbe de La Fontaine: «Rien ne sert de courir, il faut partir à point.»