Six joueurs du Canadien font la queue devant la poussette de Loïc Rialland. Un après l'autre, ils plient leur grand corps pour signer, d'un trait délicat, le corset qui enserre le torse du petit, qui va bientôt fêter ses 3 ans. Le corset, couvert de dessins pâles de voitures de course, est bientôt moucheté par toutes ces signatures. Cammalleri, numéro 13. Pouliot, numéro 57. Plekanec, numéro 14.

Pourtant, Loïc a beau porter sa petite tuque de fan du Canadien, il n'en a rien à cirer, des joueurs de hockey. Depuis des mois, il souffre. Confronté à ses pleurs incessants, ses parents ont consulté un médecin après l'autre. L'un d'eux a finalement suspecté un mal grave. On les a envoyés à Sainte-Justine. Le diagnostic est tombé, une semaine avant Noël. Leucémie.

La petite famille a passé tout le temps des Fêtes dans cette petite chambre de l'unité d'oncologie. La maladie a attaqué les vertèbres de Loïc. Il a de multiples fractures au dos, d'où le corset. Que ses parents, Jacky Rialland et Nathalie Perreault, ont tenu à faire signer par chaque joueur. Pourquoi?

«Il est petit, maintenant. Mais dans plusieurs années, quand il va tripper hockey, ça va être un souvenir. Le souvenir d'une journée très spéciale. « En disant cela, les yeux de Nathalie Perreault se remplissent de larmes. Loïc va guérir? «Il va guérir. On le sait.»

Pour ces parents, qui vivent depuis un mois les heures les plus difficiles de leur vie, ce corset autographié est bien plus qu'un truc de collectionneur. C'est un puissant symbole d'espoir. L'espoir que Loïc guérisse, qu'il grandisse, qu'il patine, qu'il trippe hockey. L'espoir qu'il vive. Et qu'un jour il ressorte d'un coffre à souvenirs ce tout petit corset couvert de signatures.

C'est à cela que sert la visite annuelle des joueurs du Canadien à l'hôpital Sainte-Justine. Une dose d'espoir pour certains, une injection de joie pure pour d'autres. «On voit, concrètement, à quel point ça rend les enfants heureux, dit Mike Cammalleri, qui a été la star incontestée de cette visite. Disons que ce genre de visite, ça met beaucoup de choses en perspective. Le courage de ces gens est vraiment inspirant.»

L'attaquant a notamment été réclamé par Hailey Samm, une jeune de 16 ans qui venait tout juste de subir une greffe du foie. Pour aller la voir dans sa chambre où les consignes sanitaires sont très strictes, le joueur a dû revêtir une jaquette d'hôpital, un masque, et désinfecter ses mains. À son entrée, le sourire de Hailey était éloquent. Elle l'a salué, un pouce en l'air.

A l'unité de cardiologie, on avait tout mis en place pour accueillir les idoles avec faste. Médecins, infirmière et patients, tous portaient leur chandail du Canadien. Des ballons bleu-blanc-rouge avaient été suspendus partout. Lorsque les joueurs sont sortis de l'ascenseur, ç'a été l'explosion. «Go Habs, Go!» Rapidement, une infirmière est venue chercher Benoît Pouliot, et l'a amené dans la chambre de Raphaël Roy. Disons que Raphaël, 17 ans, ne s'attendait pas à recevoir de la visite. Il était torse nu, prêt à subir une échographie cardiaque. Mais en serrant la main du grand joueur, il était vraiment content.

Car voyez-vous, le rêve de Raphaël, c'était de jouer au hockey. Il avait le talent. Il avait la carrure. Seulement, il avait un problème au coeur. Une aorte trop étroite. Depuis l'âge de 4 mois, il est suivi à l'hôpital. «Quand il a eu 12 ans, j'ai été obligée de lui dire qu'il ne pourrait pas jouer au hockey de façon compétitive. Il était défait. C'est dramatique, d'être obligée de dire ça à un jeune», raconte Anne Fournier, la cardiologue de Raphaël.

Marc-André Bergeron, la nouvelle recrue du Canadien, aussi papa de deux jeunes enfants, a été particulièrement touché par la visite à l'hôpital. «Ça pourrait être moi, ici, avec mes enfants, dit-il. Les enfants sont tellement heureux de nous voir qu'on ne perçoit pas leur détresse. Ils luttent pour sauver leur vie, mais on ne le sent pas en entrant dans la chambre.»

Le nouveau propriétaire de l'équipe, Geoff Molson, était lui aussi de la visite. «Ça fait 45 ans qu'on fait cette visite. C'est l'une de nos activités communautaires les plus importantes, dit-il. C'est un jour que je ne voulais absolument pas manquer.»