Tout autant que les 776 joueurs qui ont porté les couleurs du Tricolore, les milliers d'amateurs qui ont possédé des abonnements de saison depuis les débuts de l'équipe peuvent prétendre eux aussi faire partie de l'organisation centenaire. Les plus vieux se transfèrent ces billets, qu'ils considèrent comme un trésor de famille, de génération en génération. Nous en avons rencontré trois dont l'histoire n'est pas banale.

Cette dynamique grand-mère de Saint-Laurent a hérité des billets de son mari en 1956 et les a toujours conservés, un peu en souvenir, mais aussi parce que c'est une passionnée du hockey.

«Aujourd'hui, c'est surtout ma lle et mon petit-ls qui les utilisent, mais les billets sont encore à mon nom et ma lle n'en héritera qu'à ma mort», assure Mme Lefebvre.

Sa passion pour le Canadien remonte loin. «Mes frères jouaient au hockey et j'aimais assister aux matchs, raconte-t-elle. Mon mari, qui avait 30 ans de plus que moi, avait un emploi chez Molson et avait des billets de saison. Nous ne rations pratiquement jamais un match. Nous habitions à Dorion et faisions le parcours en voiture, les jeudis et samedis, beau temps mauvais temps, avec deux amis et aussi monsieur le curé, qui aimait le hockey. J'étais la seule femme, mais je n'aurais pas laissé ma place.

«Nous avions de bons billets, dans les rouges, juste devant le père de Maurice Richard, avec de riches commerçants de Montréal à nos côtés. La dame, très chic, était anglophone, mais quand le Rocket réussissait un exploit, elle se tournait vers M. Richard et lui disait avec un fort accent que son ls avait un 'coeur de lion'.

«Son mari se tournait vers elle et lui lançait: 'Please, Cecilia...' Elle n'en envoyait pas moins des poupées et des cadeaux aux enfants de Maurice quand il marquait plusieurs buts.»

Comme son mari devait céder ses billets à des clients, à l'occasion, Mme Lefebvre le suivait parfois dans la loge des Molson, derrière le banc du Canadien. «Les dames y portaient des chapeaux chic et des manteaux de fourrure, se rappelle-t-elle. Et il fallait se contenter de taper des mains quand il y avait des buts. Moi qui étais habituée à crier et à avoir du plaisir...»

Même si elle dit apprécier le Centre Bell et qu'elle continue d'encourager le Canadien, Mme Lefebvre ne cache pas son attachement à la grande dynastie des années 50 et 60. «Mon joueur préféré était Maurice Richard, qui était tellement acharné et savait enammer le public. Nous étions là le soir de l'émeute et je me souviens avoir été vraiment effrayée par ce qui se passait.

«Quand la bombe a explosé, on ne voyait plus rien et la fumée nous brûlait les yeux. Ça n'a pas été facile de sortir. La police a dû nous faire un chemin parmi les manifestants an que nous puissions évacuer le Forum. Ça a vraiment été une soirée dramatique.»

Si elle a longtemps assisté à sa large part de matchs, jusqu'aux années 70, Jeanne d'Arc Lefebvre laisse depuis plusieurs années la chance à sa lle et surtout à son petit-ls, qui l'accompagnait l'an dernier quand elle a été honorée par le Canadien lors d'un match.

«Il est dans la vingtaine aujourd'hui et poursuit des études en nances. Mais j'ai été une grand-maman d'aréna, les transportant, lui et ses amis, pour les entraînements ou les matchs dans tous les amphithéâtres du West-Island.

«Je ne me suis jamais remariée, mais je suis bien entourée, par ma lle, mon gendre, mon petit-ls et toute ma famille. Je reste active, je fais du bénévolat (elle revenait de la clinique de vaccin de Saint-Laurent quand nous l'avons rencontrée). Je vais bientôt aller visiter mon petit-ls à Hong Kong, où il étudie.

«J'ai une belle vie et le Canadien y occupe une bonne place!»