Le nouvel entraîneur des gardiens du Canadien, Pierre Groulx, suit de près les exploits de Craig Anderson, qu'il a formé pendant quelques saisons chez les Panthers de la Floride.

Difficile de trouver plus beau conte de fées que celui d'Anderson, en ce début de saison. Confiné au rôle de substitut depuis le début de sa carrière, soumis trois fois au ballottage, par Chicago, Boston puis St.Louis, Anderson, 28 ans, a enfin eu la chance d'obtenir le poste de gardien numéro un, cette année, avec l'Avalanche du Colorado, qui l'a embauché à titre de joueur autonome cet été en lui offrant 3,6 millions pour deux ans.

Mais ça demeurait l'Avalanche, une équipe en pleine reconstruction à qui plusieurs prédisaient le dernier rang dans l'Association de l'Ouest. Quelques semaines après le début de la saison, surprise, l'Avalanche est deuxième au classement en vertu d'une fiche de 12-4-2, à deux petits points des Sharks de San Jose. Anderson a disputé tous les matchs, sauf un, et présente une moyenne de 2,32 et un taux d'efficacité de ,929.

Groulx, qui a passé les quatre dernières saisons avec les Panthers de la Floride avant de se joindre au CH, se souvient des premiers pas d'Anderson au sein de l'organisation floridienne.

«C'était un gardien qui avait de belles capacités athlétiques, mais pas une grande éthique de travail. Il l'avouerait lui-même. Au plan psychologique, il avait beaucoup de difficulté à gérer ses émotions. Il s'emballait à la suite d'un arrêt important et n'arrivait pas à oublier les mauvais buts. On s'est servi comme exemple de son coéquipier Tomas Vokoun, qui était toujours au même niveau psychologiquement. Même pendant les entraînements, il avait de la difficulté à se concentrer après avoir accordé un mauvais but.»

Le déclic s'est produit la saison dernière, sa troisième avec les Panthers à titre d'adjoint de Vokoun. «Le changement est survenu au milieu de l'an passé lors de notre voyage dans l'Ouest. Il a remporté quatre ou cinq matchs de suite, et ça lui a permis de constater qu'il était assez bon pour sauver une équipe. Vokoun a repris le filet par la suite, mais Anderson a abordé les entraînements différemment. Il s'exerçait désormais comme s'il allait amorcer chacun des matchs. Et il a aussi commencé à travailler plus fort à l'extérieur de la patinoire.»

Groulx dit ne pas avoir modifié le style de Craig Anderson au fil des années.

«J'ai simplement fait de petits ajustements ici et là. L'inciter à être prêt pour les lancers. On a aussi amélioré son jeu du côté gant. Je n'impose jamais de style aux gardiens. Ils ont acquis une façon de jouer qui leur a permis d'atteindre la Ligue nationale. C'est moi qui m'ajuste aux gardiens, et non pas les gardiens qui s'ajustent à moi.»

Anderson a terminé l'année avec une fiche de 15-7-5, une moyenne de buts accordés de 2,72 et un taux d'efficacité de ,924. Groulx ne doutait plus, après la saison, qu'un club allait lui donner enfin sa chance. L'entraîneur du Canadien est-il néanmoins étonné par un tel départ de la part de son ancien élève? «Étonné ne serait pas le bon mot. L'an passé, en Floride, il a offert de belles performances contre de grandes équipes. Et il semble à son mieux quand il reçoit beaucoup de tirs. À son premier match de la saison avec l'Avalanche, il a fait 20 arrêts en troisième période contre les Sharks de San Jose et ça lui a donné confiance. C'est ce dont il avait besoin. Quand il joue en confiance, il est plus calme.»

Il reste évidemment beaucoup de sceptiques qui se demandent si Anderson saura tenir le coup toute la saison. «Tout le monde attend qu'il frappe le mur, dit Groulx. À un moment donné, ça va le frapper. C'est beaucoup plus stressant d'être numéro un que substitut. À chaque match, l'équipe compte sur le premier gardien pour gagner. C'est dur psychologiquement, mais aussi physiquement. Quand on dispute les 16 ou 17 premiers matchs de l'année, le corps dit qu'il en a assez à un certain moment. C'est un peu trop. Anderson n'a jamais disputé plus de 27 matchs dans une saison et on approche très vite de ce total. Ce sera intéressant de voir comment il réagira quand il vivra sa première épreuve.»

Groulx ne s'en cache pas, il est fier de voir Anderson connaître un tel départ. «Ce dont je suis le plus fier à ce jour, c'est d'avoir pu aider ce gardien, qui était un «projet» au départ, à s'établir comme numéro un.» J'ai beaucoup travaillé, au fil des ans, pour lui faire comprendre qu'il ne changerait pas sa saison en un seul match. Je lui ai parlé lors de sa visite à Montréal plus tôt cette saison. Et il a reconnu que je l'avais bien aidé à entreprendre la saison cette année. C'est satisfaisant. J'espère faire la même chose pour les gardiens ici, pas seulement Price et Halak, mais tous les autres gardiens de l'organisation.»