C'est à croire que la LNH devrait poster la Coupe Stanley au Centre Bell tout de suite. À gauche et à droite, les experts sont du même avis: cette saison sera la saison du CH. Fin de la discussion. À défaut d'un grand prix, on devrait au moins avoir une finale de la Coupe Stanley à Montréal en juin.

Ce n'est pas l'unanimité, mais ce n'est pas loin. Le réputé Sports Illustrated voit le Canadien au deuxième rang dans l'Est. Sur les ondes de TSN, un sondage auprès de 28 DG de la LNH a permis de constater que 15 de ces «hommes de hockey» voient le Canadien en grande finale. Chez nous, à La Presse, tous les experts sauf un (indice: il y a un T, un R, un E, un M, un B, un L, un A et un Y dans son nom de famille) prédisent une saison de rêve au Canadien.

 

Toutes ces prédictions optimistes m'ont poussé du côté du Centre Bell, hier midi, pour aller y rencontrer un joueur qui était là en 1993, la dernière fois que les membres du Canadien se sont promenés avec le magnifique trophée de Lord Stanley dans les rues de la ville.

Alors, Patrice Brisebois... est-ce que le Canadien est si fort que ça?

«C'est notre meilleure équipe depuis longtemps, a commencé par dire le vétéran défenseur. On a un bon équilibre, on est forts à toutes les positions. Et puis, le genre de saison qu'on a eu l'an passé, ça donne confiance... On sait qu'on peut gagner à chaque soir.»

Équilibre, confiance, assurance? Très honnêtement, ça faisait un bail que j'avais entendu ces mots rassurants dans le vestiaire du Canadien. En fait, pour retrouver un club tricolore aussi bien équilibré, confiant et tout plein d'assurance, il faut probablement remonter à 1993, année magique qui s'est terminée avec la belle conclusion que l'on sait.

Le Canadien de 1993, c'était quoi, au juste? C'était un gardien en état de grâce, un coach adoré par ses joueurs, des vétérans qui s'imposaient quand ça comptait vraiment, et des jeunes qui jouaient avec fougue et passion. Autant d'éléments qui pourraient résumer l'équipe d'aujourd'hui...

Et autant d'éléments qui me laissent croire que, oui, le Canadien a sa meilleure équipe depuis 1993.

«Je suis d'accord, a répondu Patrice Brisebois. Tout est en place. On sait que les attentes sont élevées cette saison, surtout avec les fêtes du centenaire. Mais les attentes sont aussi élevées dans notre vestiaire; on est rendus là, on s'attend à gagner. On a beaucoup appris l'an passé, ça nous a fait mal de perdre de cette façon à la fin. Nos jeunes ont pris beaucoup de maturité, et nos vétérans sont prêts.»

Sur papier en tout cas, le Canadien a déjà fière allure. Le problème, évidemment, c'est qu'on ne gagne pas des championnats sur papier. Le talent et les jeunes qui montent, c'est bien beau, mais ça ne garantit pas un défilé (ni une émeute) au centre-ville en juin. Le succès, rappelons-le, est un concept bien fragile. Une blessure de trop, un gardien qui s'effondre, un attaquant russe qui décide de bouder et d'accorder une entrevue de trop à une publication de son pays, et puis voilà, le Canadien pourrait se retrouver dans le pétrin en moins de temps qu'il ne le faut pour dire Kostitsyn la bouche pleine de biscuits.

La ligne est bien mince entre ceux qui sont des «champions de papier», comme le disent les experts, et ceux qui sont de vrais de vrais champions.

«Des champions sur papier qui ne vont nulle part, on a déjà vu ça, a ajouté Patrice Brisebois. Certaines années, les Rangers avaient l'air plus forts que tout le monde, mais ils se faisaient sortir assez vite... Pour nous, cette année, ce ne sera pas comme il y a un an. C'est sûr qu'on ne va pas surprendre personne, parce que toutes les équipes vont nous attendre de pied ferme.»

Un vieux cliché sportif nous rappelle que c'est facile d'atteindre le sommet, mais que c'est autrement plus difficile d'y demeurer. Le défi du Canadien cette saison, il est là. Juste là.