Il y a un chandail qui est placé bien en évidence dans le hall d'entrée du Halas Hall, le centre d'entraînement des Bears en banlieue de Chicago. C'est le chandail de Sid Luckman. Ça ne vous dit rien? Normal. Luckman a été le quart des Bears il y a très longtemps, de 1939 à 1950. À l'extérieur de Chicago, c'est un nom qui, au mieux, n'évoque qu'un vague souvenir.

Mais par ici, Sid Luckman demeure un grand. Une légende. Ce regretté monsieur est un membre du Temple de la renommée, mais pour les fans de Chicago, il est surtout considéré comme le dernier quart-arrière de qualité à avoir porté l'uniforme des Bears.

Autrement dit, au cours des 60 dernières années, les Bears n'ont jamais vraiment su remplacer Sid Luckman.

Ce qui nous mène à Jay Cutler.

Dimanche, lors du match de championnat de la Conférence nationale face aux Packers de Green Bay, Cutler tentera de propulser les Bears au Super Bowl. Il faut savoir que les Bears au Super Bowl, c'est seulement arrivé à deux reprises: en 1986, leur seule victoire en grande finale, et en 2007.

Les deux fois, les Bears avaient des quarts qui étaient loin d'être des joueurs de premier plan. En 1986, Jim McMahon était plus grande gueule que quart-arrière, et il y a quatre ans, c'était l'impayable Rex Grossman qui était aux commandes.

Jay Cutler, lui, est arrivé en sauveur à la suite d'un échange avec les Broncos de Denver il y a deux ans. Il n'a que 27 ans, il a un bras canon et il fait rêver les gens de Chicago, qui voient en lui le premier digne successeur de Sid Luckman.

Le problème, c'est que ce rôle de héros, Cutler ne semble pas en vouloir. Et c'est bien là le drame des gens de Chicago; ils ont enfin un gars qu'ils veulent adorer... mais ce gars-là semble s'en foutre un peu.

Des fois, je vous jure, on dirait qu'il le fait exprès. Comme hier. On était quoi, une cinquantaine de membres des médias dans le petit auditorium du centre d'entraînement des Bears? Et Cutler est arrivé avec la face d'un gars qui se présentait pour subir un traitement de canal.

Il a répondu aux questions d'une voix à peine audible tout en jetant de nombreux regards en direction de son assistant pour savoir si c'était bientôt fini.

À un moment donné, quelqu'un lui a fait remarquer que s'il menait les Bears à la victoire, dimanche, il n'allait probablement plus jamais avoir à payer une seule bière de sa poche à Chicago.

Cutler a souri un peu, puis a enchaîné avec une réponse vague... à la Jay Cutler.

«Tous les gars dans le vestiaire comprennent l'importance de ce match, a-t-il dit. Mais en même temps, nous allons nous amuser cette semaine, nous allons nous assurer de rester calmes. Nous allons jouer notre match, on ne peut pas se mettre à penser pour savoir ce qui va arriver ensuite si on gagne ou si on perd. On doit seulement se présenter pour jouer.»

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Depuis Sid Luckman, la liste des quarts qui ont porté le maillot des Bears n'est pas à se jeter par terre. Elle est plutôt à se rouler par terre tellement certains noms sont hilarants. Des Chad Hutchinson et des Jonathan Quinn, des Shane Matthews et des Cade McNown, des Moses Moreno et des Rick Mirer... C'est sans oublier Rex Grossman, bien sûr, peut-être le joueur le plus hué de toute l'histoire du sport à Chicago.

Une victoire dimanche face aux Packers et Jay Cutler va assurément avoir la ville à ses pieds. N'est-ce pas, Jay?

«C'est dur de rester concentrés cette semaine, a-t-il répondu. On doit s'assurer de ne penser qu'à ce match et à rien d'autre. Je sais que je ne vais rien faire de différent. On va faire les mêmes choses, on va se préparer de la même manière qu'on le fait d'habitude.»

Lovie Smith, l'entraîneur des Bears, nous a ensuite rappelé que Jay Cutler est le quart parfait pour son équipe. «Il doit être le quart de cette équipe parce qu'il est un dur de dur, a expliqué le coach. Il vient pour travailler encore plus fort chaque jour.»

Le héros est peut-être un peu réticent à enfiler sa cape, mais il sait très bien ce qu'il a à faire: battre les détestés Packers et aller chercher un Super Bowl.

S'il y parvient, c'est sans doute son chandail à lui qu'on placera un jour dans le hall d'entrée du Halas Hall.