Ce n'est que la semaine dernière que le joueur de ligne défensive de l'Université du Missouri Michael Sam s'est assis avec ses parents, Michael et JoAnn, pour leur faire part de son homosexualité. «On le savait, on t'aime et on te soutient», ont-ils répondu en choeur à leur fils de 24 ans, le premier de la famille à obtenir un diplôme universitaire. Cette rencontre n'avait rien d'anodin pour celui qui a grandi dans un contexte difficile - un de ses frères est mort, un autre a disparu et deux autres sont en prison - à Hitchcock, au Texas.

Au cours des jours suivants, Sam avait en effet planifié de dévoiler publiquement son homosexualité. Il voyait que de nombreuses rumeurs sur son orientation sexuelle commençaient à circuler sur l'internet et dans le milieu du football professionnel. Il voulait surtout raconter son histoire telle qu'il l'avait vécue: avec des années de mutisme, de questionnements et, finalement, de soulagement. La suite? Elle devrait s'écrire dans la NFL en tant que premier joueur actif ouvertement homosexuel.

Sur le campus de Columbia, au Missouri, son homosexualité n'était pourtant plus un secret qu'il gardait jalousement, par peur d'être ostracisé. Après l'avoir annoncée à un receveur de l'équipe et à l'entraîneur-chef, il a prévenu le reste de ses coéquipiers, l'été dernier, lors d'une activité hors terrain. «Je les ai alors regardés dans les yeux et ils ont commencé à hocher la tête, comme pour dire que, finalement, (je) sortais du placard», a-t-il révélé au New York Times.

«J'ai su à un jeune âge que j'étais attiré par les hommes, mais je ne savais pas si c'était seulement une phase. Je ne voulais pas dire: "Il se peut que je sois gai" ou "Je suis bi". Je ne savais pas (...), et c'est pour ça que je n'avais rien dit en grandissant», a-t-il ajouté sur son parcours.

Coéquipiers et journalistes couvrant les activités des Tigers ont gardé le secret pendant plus de six mois. Délesté de ce poids, Sam a, pendant ce temps, connu une saison 2013 de rêve avec 11,5 sacs du quart et 19 plaqués. Des chiffres qui lui ont valu une place au sein de la première équipe d'étoiles de la NCAA en plus d'avoir été choisi joueur défensif de l'année dans l'Association Sud-Est. Dans les dernières semaines, plusieurs observateurs lui prédisaient même une sélection en troisième ronde du prochain repêchage de la NFL.

La sortie de Sam a-t-elle changé la donne dans le milieu très conservateur de la NFL? Dans les hautes sphères, la ligue a publiquement appuyé le joueur, tard dimanche soir. «Nous admirons le courage et l'honnêteté de Michael Sam, peut-on lire dans un communiqué. Michael est un joueur de football. Tout joueur ayant des habiletés et de la détermination peut réussir dans la NFL. Nous avons hâte d'accueillir et de soutenir Michael Sam en 2014.»

La vérité des bureaux new-yorkais de la NFL n'est cependant pas celle des vestiaires et des terrains de la ligue. Les références homosexuelles y sont quasiment aussi répandues que les x et les o, au quotidien. Dans une équipe de plus de 60 joueurs issus de milieux socioculturels et religieux différents, il lui sera en effet difficile de trouver une acceptation totale. «Je ne pense pas qu'un tel joueur serait aussi bien accepté qu'on le pense», a lancé le secondeur des Saints de La Nouvelle-Orléans Jonathan Vilma, il y a quelques jours.

Interrogés par Sports Illustrated, huit dirigeants impliqués dans des équipes de la NFL ont d'ailleurs ajouté que cette sortie publique allait nuire à sa carrière. Même si les mentalités ont changé et malgré les nombreux appuis reçus sur les réseaux sociaux depuis dimanche, l'homosexualité reste un tabou dans la ligue. Un tabou difficile à briser. «Dans une ou deux décennies, cela deviendra acceptable, mais actuellement, le football reste un sport d'hommes. Les insultes homophobes y sont encore courantes», a jugé un directeur adjoint du personnel, en ajoutant que la présence d'un homosexuel perturberait la vie du vestiaire.

Sam n'aura pas à attendre longtemps pour savoir si la NFL, dans son ensemble, est prête à accueillir un joueur gai. Après le camp d'évaluation, du 22 au 25 février, son nom devrait résonner lors du repêchage qui se tiendra à New York du 8 au 10 mai. «S'il commence à tomber en cinquième ou en sixième ronde, tu sais qu'il y aura des équipes qui ont eu peur et qui veulent éviter des problèmes dans le vestiaire, a prédit Danny Maciocia, entraîneur des Carabins de l'Université de Montréal. J'espère que ça ne sera pas le cas, mais, honnêtement, je ne peux pas dire que toutes les équipes pensent de la même façon.

«À New York ou en Californie, cela sera peut-être plus accepté que dans d'autres endroits. Mais au bout du compte, j'espère que les équipes baseront seulement leur décision en fonction des qualités d'un joueur qui peut faire une différence sur le terrain», a-t-il conclu.