C'était le retour de l'enfant «prodige», mardi soir, au Nationals Park de Washington.

Presque un an jour pour jour après avoir subi une opération reconstructive du ligament latéral interne du coude droit - la fameuse intervention de type «Tommy John» -, le phénomène Stephen Strasburg remontait enfin sur la butte au niveau majeur.

Et le droitier de 23 ans s'est bien fort débrouillé dans les circonstances, devant quelque 29 000 spectateurs venus l'accueillir malgré la menace d'une soirée pluvieuse. En cinq manches de travail, Strasburg n'a donné que deux maigres coups sûrs et aucun point aux Dodgers de Los Angeles. Mais les releveurs ont ensuite bousillé ses efforts.

N'empêche que les dirigeants des Nationals ont certainement apprécié le fait que Strasburg lançait encore des balles de feu avec précision. Certaines de ses rapides ont d'ailleurs frôlé les 100 milles/heure. Comme s'il ne s'était jamais absenté du boulot.

Premier choix au repêchage du baseball majeur en 2009, Strasburg a connu une entrée fracassante dans les grandes ligues, le 8 juin 2010, avec 14 retraits sur des prises contre des Pirates de Pittsburgh visiblement impuissants. Une domination totale.

Les Nationals avaient finalement trouvé un sauveur, celui qui sortirait inévitablement l'organisation du profond marasme dans lequel elle se morfond depuis trop longtemps. Le jeune homme de San Diego faisait non seulement le bonheur des gens de Washington, mais il remplissait également les gradins partout en Amérique du Nord.

La fièvre était contagieuse.

Starsburg affichait un dossier de cinq victoires contre trois revers, une moyenne de points mérités de 2,91 et 92 frappeurs passés dans la mitaine en 68 manches... avant que son coude ne montre des signes de défaillance vers la fin du mois d'août. Le verdict: déchirure ligamentaire.

Les Nationals savaient alors qu'ils allaient - déjà - devoir se passer de leur nouvelle supervedette, pour qui les prochains mois seraient consacrés au long processus de rééducation que nécessite l'opération de type «Tommy John».

Depuis 1974

«Ce n'est pas comme si j'avais attendu 368 jours, a déclaré Strasburg aux nombreux journalistes qui l'entouraient après le match, mardi. Je voulais me renforcer physiquement et mentalement pendant mon absence, et j'identifiais chaque jour un aspect nouveau sur lequel il fallait travailler. Je n'ai pas gaspillé une seule minute.»

Comme Strasburg, des dizaines de lanceurs, jeunes et moins jeunes, ont subi une reconstruction ligamentaire du coude depuis 1974. Cette année-là, le gaucher Tommy John, des Dodgers, a tenté l'expérience aveuglément, sans garantie de résultats probants. Allait-il seulement revenir au jeu?

Presque quatre décennies plus tard, on constate que l'intervention chirurgicale révolutionnaire du docteur Frank Jobe a permis à de nombreux lanceurs de poursuivre leur carrière et, parfois, de connaître d'étonnants succès. À commencer par Tommy John lui-même, qui a totalisé 288 victoires, dont 164 après l'opération. Il s'est retiré en 1989!

Bien des amateurs de baseball l'ignorent peut-être, mais Éric Gagné est passé sous le bistouri en 1997 alors qu'il évoluait encore dans les ligues mineures. On sait la suite: de partant ordinaire, le Québécois est devenu un releveur intouchable le temps de trois saisons, raflant au passage le trophée Cy Young dans la Ligue nationale en 2003.

Le vétéran droitier John Smoltz, des Braves d'Atlanta, a raté la saison 2000 dans sa totalité après une reconstruction ligamentaire du coude droit. Ayant fait la transition vers l'enclos de relève en 2001, il s'est imposé comme l'un des stoppeurs les plus dominants du baseball majeur entre 2002 et 2004.

Et que dire de David Wells, opéré en 1985 alors qu'il avait 22 ans? Mentionnons seulement qu'en 21 saisons dans le baseball majeur, «Boomer» a signé 239 victoires.

D'autres lanceurs, comme Billy Wagner (retraité), Tim Hudson (Atlanta), Chris Carpenter (St.Louis) ou Joakim Soria (Kansas City), par exemple, ont également su rebondir après la chirurgie. Évidemment, malgré les progrès de la médecine sportive, l'opération de type «Tommy John» n'offre cependant aucun gage de performance.

Stephen Strasburg, lui, continue de faire rêver les partisans des Nationals de Washington. Et il commence sa carrière avec un coude tout neuf qui lui permettra de terroriser les frappeurs adverses pendant longtemps... peut-être.

______________________________________________

Qu'est-ce que l'opération de type «Tommy John»

L'opération de type «Tommy John» est une intervention chirurgicale qui vise la reconstruction du ligament latéral interne du coude. Pour ce faire, on remplace le ligament en question par un tendon prélevé sur l'avant-bras ou les muscles ischio-jambiers du patient, par exemple. On doit cette procédure médicale révolutionnaire au chirurgien orthopédique américain Frank Jobe qui, en 1974, a fait du lanceur gaucher Tommy John le premier athlète professionnel bénéficiaire de l'opération.