Alexandre Despatie s'attendait à une mise hors tension à son retour des Jeux olympiques de Londres. Mais pas à ce qu'elle soit aussi longue et foudroyante. Ça s'est traduit par une prévisible fièvre et une énorme fatigue. Pendant une douzaine de jours, le plongeur a fermé rideaux et téléphone et s'est terré à la maison, la «tête, le corps et le coeur» refusant de coopérer.

Même si son entourage tentait de le convaincre du contraire, il ne trouvait pas ça normal. Il s'est donc offert quelques sorties entre amis... pour mieux retomber le lendemain.

«Ç'a été pas mal intense comparativement à ce que j'ai déjà vécu. Ça démontre à quel point j'ai poussé mes limites et même que j'en ai découvert de nouvelles», a-t-il dit lundi au téléphone, manifestement remis de cet épisode.

Il revenait d'un entraînement en salle, qu'il a repris depuis déjà trois semaines. Il s'échine sur un vélo stationnaire avec les bosseurs Alexandre Bilodeau et Mikaël Kingsbury et le «lock-outé» Andrei Markov.

Après réflexion, ce coup de blues a été une bénédiction. «Je suis bien en ce moment. Le down que j'ai eu, il était nécessaire. Et le fait qu'il soit intense m'a encouragé à me relancer et à me remettre dans le bain encore plus rapidement.»

Despatie repart pour une autre saison complète, avec l'objectif de prendre part aux Championnats du monde de Barcelone, en juillet. En santé, si possible. «Je veux continuer sur ma lancée. Le travail que j'ai fait avec mon équipe a été incroyable. J'étais presque dans la meilleure forme de ma vie. J'aimerais avoir la chance de faire une saison sans embûches, sans blessures.»

Sa décision était prise à Londres, peu après la conclusion cauchemardesque que l'on sait en finale du 3 mètres. «Je le dis depuis longtemps, je ne crois pas qu'on puisse forcer la retraite, relève l'athlète de 27 ans. Pas parce que j'ai eu un mauvais résultat [11e]. Ou même si j'en avais eu un meilleur. Simplement, je ne le sentais pas. J'ai encore le goût de continuer.»

Ce plongeon final raté, un double saut périlleux et demi avant avec deux vrilles qu'il a fini sur le ventre, le double médaillé d'argent olympique ne se l'explique pas autrement que par la malchance. Avec la fatigue, ce type d'erreur arrive régulièrement à l'entraînement et survient ici et là en compétition. Despatie rappelle la Coupe du monde de 2010, où il avait vécu sensiblement la même chose.

Cette fois, il s'est éclaboussé au moment où des centaines de milliers de personnes regardaient à la télévision. Humiliant? Despatie élude la question. Les gens du milieu comprennent l'erreur technique. Pour le reste...

«Oui, je me suis posé la question, qui dans le fond est inutile: pourquoi?, a souligné Despatie. Comme si je n'en avais pas assez subi durant l'année. Pendant quelque temps, j'ai essayé de comprendre. Ça ne sert à rien. Ce qui est arrivé est arrivé. J'ai tout donné et j'ai fait du mieux que j'ai pu. Il faut mettre les choses en perspective, réaliser que six semaines avant la compétition, j'étais sur un lit d'hôpital en train de me faire coudre la tête.»

Et ce n'est pas comme si Despatie avait échappé une médaille: il était huitième au moment de s'élancer pour son dernier saut. S'il avait bien conclu, il aurait été «hyper satisfait» de sa performance générale à Londres. «Quand bien même j'aurais eu deux jours d'entraînement, j'aurais eu ce sentiment-là, de vouloir être compétitif, même si ce n'était pas réaliste.»

De retour à la compétition en décembre?

Despatie prévoit remonter sur les tremplins à son retour de vacances dans le Sud, au début du mois d'octobre. Il pourrait reprendre la compétition en décembre, en Ukraine, sinon en mars et avril, pour les Séries mondiales.

Suivront les Mondiaux de Barcelone, 10 ans après son premier sacre à la tour, au même endroit. «À ce point-ci, c'est une année à la fois. J'avais pas mal dit que je ne plongerais pas quatre autres années... On verra rendu là. Il ne faut jamais dire jamais.»

Rio 2016? «En ce moment, je dirais que c'est une chance sur 100!»

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MARQUÉ POUR LA VIE

Alexandre Despatie n'en revient pas encore: s'il avait frappé le tremplin 1 centimètre plus haut, le 12 juin à Madrid, il n'aurait pu participer à ses quatrièmes JO à Londres. L'entaille qui ceinture le haut de son crâne s'estompe graduellement, même que les gens s'étonnent de ne pas la remarquer. «Moi, quand je me regarde dans un miroir, c'est la seule chose que je vois!», dit-il. Pour le moment, il ne prévoit pas subir de chirurgie esthétique pour atténuer la marque.