Aux prises avec ses propres problèmes techniques, Alex Harvey ne s'est pas fait voler de médailles par des rivaux dopés aux Jeux olympiques de Sotchi. Mais il est presque certain que des collègues d'autres pays ont été victimes de la tricherie de fondeurs russes.

«Tu ne peux pas accuser du monde sans preuve, mais les Russes, on a toujours des doutes sur eux», a admis Harvey, hier après-midi, en réaction aux révélations fracassantes de l'ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou publiées par le New York Times. «Juste la façon dont ils courent: ils n'ont pas la meilleure stratégie de course. Ils sont juste plus forts que les autres. Et ils ont un historique: c'est presque toujours eux qui se font prendre dans notre sport.»

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Déjà, après le triplé spectaculaire d'Alexander Legkov, Maxim Vylegzhanin et Ilia Chernousov au 50 km, point d'orgue d'une quinzaine faste pour l'équipe russe à Sotchi, Harvey s'était ouvertement interrogé sur leur probité. À une question sur la domination des Russes sur un parcours aussi exigeant, il avait répliqué qu'un Autrichien qui venait de subir un contrôle positif à l'EPO «aurait été bon en maudit pour cette course-là».

Dans l'article du Times, Legkov est l'un des athlètes identifiés comme ayant fait usage de produits dopants durant les JO. Harvey se souvient qu'il avait été particulièrement tranchant, menant presque à lui seul son pays vers une médaille d'argent au relais 4 x 10 km.

«Legkov, quand il va devant le peloton dans une montée, il fait souffrir tout le monde, explique l'athlète de Saint-Ferréol-les-Neiges. Des fois, on dirait qu'il court comme une poule sans tête. Il est à fond tout le temps. Il est capable de faire ça tout le temps. On avait des soupçons, mais on ne pouvait pas trop en parler. Ça confirme un peu ce que tout le monde pensait.»

Après ses succès lors de la saison 2014, Legkov n'est plus jamais remonté sur un podium en Coupe du monde dans une épreuve individuelle, souligne Harvey, perplexe. Les accusations du directeur du laboratoire ne reposant pas sur des tests positifs ou une preuve formelle, le fondeur canadien s'interroge sur la suite des choses.

«Si les tests ont été détruits ou manipulés, il n'y a pas de tests positifs, souligne-t-il. Tu n'as pas la preuve qu'ils sont coupables. Tu ne peux pas faire grand-chose.»

«Il y a deux collègues [du directeur du laboratoire antidopage de Moscou] qui sont morts dans la même semaine. À un moment, c'est toujours un peu délicat.»

Harvey se demande si la Fédération internationale de ski, au sein de laquelle la Russie a un poids important, agira comme la fédération internationale d'athlétisme, qui a suspendu la Russie dans la foulée d'un rapport dévastateur de l'Agence mondiale antidopage. «Je ne sais pas s'ils auront ce courage-là.»

Mélodie Daoust étonnée

Selon le directeur du laboratoire, la totalité des joueuses de l'équipe féminine de hockey se dopait pendant les Jeux de Sotchi.

«C'est la première fois que j'entends parler de dopage dans le hockey féminin», a indiqué Mélodie Daoust, membre de l'équipe canadienne aux JO. L'attaquante de 24 ans ne comprend pas comment les hockeyeuses russes, rapides et habiles, ont pu se résoudre à tricher de la sorte.

«Ça m'étonne, c'est sûr, mais tout arrive dans le sport, a dit Daoust, elle-même testée à trois reprises durant la quinzaine olympique. C'est quelque chose d'injuste. Le dopage sportif, je suis contre ça. On a tellement de conférences et on se fait tellement instruire par rapport à ça. Pour ma part, je préfère m'entraîner pour devenir l'athlète que je suis que de me faire prendre pour dopage.»

photo JONATHAN NACKSTRAND, archives agence france-presse

Alexander Legkov