L'équipe canadienne féminine de water-polo a reçu comme une gifle sa non-qualification pour les Jeux olympiques de Pékin. Cette exclusion a aussi mis le financement du programme en péril.

Or, l'entraîneur Pat Oaten était persuadé que ses joueuses avaient le potentiel de gagner l'or aux Jeux de Londres en 2012. Elles sont en train de lui donner raison à Rome.

L'entraîneur Pat Oaten croit en son équipe. L'été dernier, Sport Canada a menacé de lui couper les vivres après l'exclusion du tournoi olympique de l'équipe féminine de water-polo. À la surprise générale, l'équipe masculine s'était qualifiée pour Pékin et elle avait aussi besoin de fonds. Le manque à gagner de quelque 250 000$ signifiait que la jeune équipe féminine ne pourrait plus voyager pour des compétitions pour le reste de l'été. Choqué, l'entraîneur-chef a dit à son président qu'il était prêt à mettre sa maison en vente pour couvrir les frais de déplacement.

Si Oaten était à demi sérieux, sa foi en ses joueuses était tout sauf factice. Après évaluation, un arrangement a été trouvé et l'équipe a reçu 100 000 $ pour boucler sa saison. «Je savais que l'équipe n'avait pas beaucoup d'expérience, mais je savais aussi qu'elle représentait l'équipe de l'avenir sur la scène internationale. J'y croyais tellement que j'ai dit à mon président que j'étais prêt à vendre ma maison pour investir dans son avenir», a raconté Oaten, hier après-midi, lors d'un entretien téléphonique à Rome. «Ce n'était pas totalement vrai, mais c'est comme ça que je me sentais à l'époque.»

L'avenir a donné raison au Montréalais. Après avoir obtenu une deuxième place historique lors de la Super finale de la Ligue mondiale, en Russie, le mois dernier, le Canada a déjà atteint le carré d'as des Mondiaux FINA de Rome. Aujourd'hui, en demi-finale, la formation canadienne se mesurera à la Russie, invaincue jusqu'ici.

«La mentalité de cette équipe, c'est qu'on n'acceptera pas la quatrième place, a prévenu Oaten. Oui, on est dans la première phase d'un cycle olympique. Je suis content du résultat jusqu'ici, mais je sais bien qu'on peut mieux jouer qu'on l'a fait ici. Honnêtement, ce que je vois pour l'avenir, c'est qu'on deviendra la meilleure équipe au monde.»

Oaten est d'accord pour dire que le match d'aujourd'hui est le plus important pour son équipe depuis la médaille de bronze remportée aux Mondiaux FINA de Montréal en 2005. L'équipe, qui avait fait le délice des amateurs dans l'île Sainte-Hélène, avait par la suite vu presque tous ses joueuses expérimentées quitter le navire.

Avec Krystina Alogbo, Dominique Perreault est l'une des seules membres de l'équipe actuelle qui ont gagné le bronze en 2005. La gauchère en était alors à une première expérience internationale avec l'équipe senior.

«Krystina et moi, on nous appelait les bébés», s'est rappelé Perreault, meilleure marqueuse canadienne à Rome avec 12 buts en cinq matchs. «On était les plus jeunes. Notre rôle était différent. On ne jouait pas beaucoup. J'apprenais. Depuis quatre ans, ça a évolué. J'assume plus de leadership. Mais ce n'est pas une seule joueuse qui fait tout. On joue et on gagne en équipe.»

Johanne Bégin peut en témoigner. Assistante du chef de mission du Canada à Rome, elle faisait partie de l'équipe en 2005. Toujours professionnelle en Italie, elle avait temporairement repris le collier au Canada l'été dernier pour donner un coup de main à une équipe qui manquait cruellement d'expérience. Elle est donc en mesure d'apprécier le chemin parcouru.

«C'est une équipe très unie, a noté Bégin. Elles ont passé plusieurs semaines à l'étranger ensemble. Il y a une belle complicité et beaucoup d'entraide entre les joueuses. Quand elles sont arrivées ici, on voyait la confiance dans leurs yeux. Personnellement, je dirais que c'est une équipe en devenir. Ce qu'elles vivent ici est un pas de plus vers une médaille aux Jeux olympiques de Londres.»

Cet esprit d'équipe a commencé à se cimenter il y a déjà quelques années. Plusieurs des joueuses actuelles, dont Perreault et Alogbo, ont en effet gagné la médaille d'or avec Oaten aux Mondiaux juniors de 2003. Depuis 2005, le groupe s'entraîne à Montréal, au Parc olympique, au Centre d'excellence des sports aquatiques du Québec. La majorité des joueuses sont de la région montréalaise. Elles s'appellent Marina Radu, Christine Robinson, Joëlle Békhazi, Tara Campbell, Katrina Monton et Rosanna Tomiuk.

Après la déception olympique de l'été dernier, Oaten a demandé à ses joueuses de s'engager pour une période de quatre ans. Plutôt que de leur donner congé pendant les Jeux de Pékin, il les a fait reprendre l'entraînement plus tôt que prévu. «Je voulais les endurcir mentalement», a expliqué l'entraîneur, convaincu qu'il en récolte les fruits aujourd'hui. «Il ne nous a pas mené la vie trop dure», a précisé Perreault.

Après une longue évaluation qui a duré six mois, Sport Canada, par l'entremise d'«À nous le podium», le programme de financement de l'excellence, s'est également réengagé envers le water-polo féminin. «On nous a garanti de 600 000 à 700 000$ par année jusqu'en 2012», s'est réjoui Ahmed El-Awadi, directeur exécutif de Water-Polo Canada.

Par ailleurs, des faiblesses du programme, décpouvertes durant l'évaluation, ont reçu une attention particulière, dont la faible expérience internationale de plusieurs joueuses. Ainsi, les dirigeants s'assurent de disputer un maximum de matchs pendant un séjour à l'étranger. Un psychologue sportif réputé a aussi été embauché.

Les demandes de joueuses de l'extérieur du Québec, qui souhaitent visiter plus souvent leurs proches, reçoivent également plus de considération. «Ça peut paraître banal, mais elles vivent dans un environnement très stressant et ça avait été défini comme un problème», a fait valoir M.El-Awadi.

Tout ça avec l'intention de gagner l'or à Londres en 2012, parole d'Oaten. «J'espère qu'on va gagner l'or à Rome, mais peu importe ce qui arrive, le 31 juillet, c'est fini et on prépare les trois années qui s'en viennent», a-t-il conclu.