Dimanche, le Québécois David Savard-Gagnon a remporté le Marathon de Montréal avec un temps de 02:30,15. En 1983, le Québécois Alain Bordeleau finissait au 12e rang du même marathon avec un temps de... 02:16,36.

La victoire de Savard-Gagnon a été saluée comme une première. Jamais un Québécois n'avait remporté cette course. Mais pour les observateurs attentifs, cette victoire, bien que méritoire, témoigne de l'intérêt déclinant de l'élite mondiale pour le marathon montréalais. Un déclin qui s'est accéléré depuis l'acquisition de la course par l'entreprise américaine Competitor Group, il y a deux ans.

«C'était drôle de voir dans les médias qu'on se félicitait des résultats des Québécois. Mais les meilleurs n'étaient pas là!», lance le coureur québécois David Le Porho, qui a fini troisième au demi-marathon.

Pourquoi les meilleurs n'étaient-ils pas au rendez-vous? Notamment parce que Competitor Group a décidé de ne plus payer les frais de déplacement qui ont permis à des dizaines d'Africains - surtout des Kényans - de participer au marathon au fil des ans.

L'entreprise avait aussi apparemment décidé d'éliminer carrément cette année les bourses remises aux trois premiers du marathon et du demi; une décision qui a suscité la grogne chez certains coureurs québécois. Competitor Group a affirmé hier lors d'un entretien avec La Presse qu'il y aurait finalement des bourses, réduites, et qu'il s'agissait d'une erreur de communication.

«Samedi après-midi, j'ai demandé aux organisateurs et ils ont dit: ''On ne donne rien aux premier, second et troisième'', explique le Montréalais Amor Dehbi. Plusieurs se sont retirés à la dernière minute parce qu'il n'y avait pas de bourse. Il n'y avait pas les meilleurs coureurs.»

Le marathonien de 42 ans était inscrit au 42 kilomètres. Il visait un temps de 2:20. Lorsqu'il a appris la nouvelle de la disparition des bourses, il a décidé de ne pas courir le marathon. Il s'est inscrit au 10 kilomètres, qu'il a gagné «sans forcer, au rythme d'entraînement».

«Au 10 kilomètres, il n'y avait même pas de podium. Je ne dis pas ça pour moi, mais pour les jeunes qui sont deuxième et troisième, pour les encourager, dit-il. On ne leur a même pas remis de plaque.»

Les trois gagnants du marathon et du demi n'ont quant à eux reçu aucun chèque. Philippe Viau-Dupuis a terminé deuxième au demi-marathon avec un temps de 1:09,50. Lui aussi avait été avisé à la dernière minute de l'absence de bourse. «Cette année, j'ai gagné le 5 kilomètres du Festival de la gibelotte et ils m'ont remis 250 $. C'est juste une question de respect. J'arrive au gros Marathon de Montréal et ils ne donnent rien. C'est spécial.

«J'aimerais mieux finir 32e dans un marathon plus compétitif et avoir un meilleur temps que de finir 2e dans un marathon où il n'y a pas d'élite», fait valoir le coureur.

Des bourses en forte baisse

Lorsque la question des bourses a été soumise à l'organisation du Marathon de Montréal, hier, la confusion régnait. Un vice-président de Competitor Group a finalement pu expliquer que les bourses n'étaient pas supprimées. «Si les athlètes se sont fait dire ça, c'est à cause d'une erreur de communication entre les bureaux à Montréal et notre responsable de l'élite», a expliqué Josh Furlow, qui venait d'atterrir à l'aéroport de Chicago, de retour de Montréal.

Les bourses ont été néanmoins fortement réduites. Le gagnant du marathon a touché 10 000 $ l'année dernière. David Savard-Gagnon empochera cette année 1500 $.

La Presse a même appris à Philippe Viau-Dupuis et à David Le Porho qu'ils recevraient de petits chèques pour leurs 2e et 3e places au demi (respectivement 500 et 250 $).

Competitor Group ne s'en cache pas: l'élite n'est pas sa priorité. Dans une entrevue vendredi, le président de l'entreprise expliquait vouloir concentrer les ressources sur les milliers de participants, et non pas sur les meilleurs d'entre eux. Pendant ce temps, les coureurs d'élite québécois et canadiens iront plutôt à Toronto ou Vancouver.

Pour ces athlètes, la croissance du Marathon de Montréal ne devrait pas se faire au détriment de l'élite. «Compétition et participation peuvent très bien cohabiter», note le marathonien d'expérience Louis-Philippe Garnier, quintuple champion canadien des maîtres.

«Dimanche, on parlait de combien c'était extraordinaire de voir trois Québécois arriver aux trois premières places, combien c'était exceptionnel, que ce n'était jamais arrivé dans l'histoire du marathon, dit-il. On ne donnait pas d'explication. L'explication, c'est qu'il n'y avait pas de bourses, alors l'élite ne venait pas de l'extérieur.»