Pierre-Luc Poulin est un olympien discret. Personne ne l’arrête dans la rue. Une nouvelle réalité pour celui qui a quitté son chez-soi pour plus de stabilité. Entre le lac Beauport et le bassin olympique de l’Île Notre-Dame, sur l’autoroute 20, il y a maintenant Paris 2024 comme destination ultime.

Poulin s’inscrit dans une longue tradition. Celle de Lac-Beauport. Une pépinière d’olympiens. Ses Jeux à lui ont d’abord été ceux de Tokyo.

Il y a quelques mois, Poulin a changé de bureau. Il a laissé les arbres matures et les sentiers pour la tour inclinée et le circuit.

Il était 7 h 30 lorsqu’il est arrivé au bassin olympique pour son entraînement. Il pleuvait des cordes.

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Pierre-Luc Poulin a deux ans devant lui pour se préparer aux Jeux de Paris.

Trempé, mais motivé. Ça fait partie du jeu. Poulin et les membres de l’équipe canadienne de canoë-kayak préparaient leurs engins dans un abri au bout du quai pour faire leur step-test. Un exercice qui se fait tous les deux ou trois mois pour évaluer leur progression.

Un entraînement de haute intensité qui a duré plus de 90 minutes. L’athlète de 26 ans a obtenu des résultats concluants.

Il s’agissait du premier entraînement de la journée. Après le déjeuner, l’équipe allait se réunir dans la salle de musculation. Puis, après le dîner, elle allait retourner sur l’eau pour une autre séance intensive, jusqu’à 16 h 45. C’est comme ça du lundi au vendredi.

Changer d’air

Pierre-Luc Poulin aurait aimé rester chez lui, près des siens, parce qu’il est « pratiquement né les deux pieds dans le lac Beauport ».

Toutefois, l’idée d’évoluer dans un environnement de haute performance l’a convaincu. Ça et l’idée de faciliter ses études.

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Le kayakiste est également étudiant en finance.

L’automne, quand tu as 20 km à faire, tu aimes mieux le faire autour du lac Beauport que de faire 10 tours de bassin. Mais l’été, quand tu as 5 x 100 m à faire, le bassin est parfait.

Pierre-Luc Poulin

Dans la cafétéria du complexe d’entraînement, Poulin reprend des forces. Œufs brouillés, fraises et bagel au beurre d’arachide « toujours croquant ».

Le rapprochement facilite la vie de cet étudiant en finance. Avant, il faisait ses études à distance, mais lorsque c’était impossible, il faisait l’aller-retour entre chez lui et HEC Montréal. Il a passé des soirées et des nuits entières sur la route après avoir quitté un cours du soir pour arriver à temps à son entraînement du lendemain, quelque 280 km plus loin. « C’était ma routine. Ça fait très longtemps que la finance me passionne aussi. »

Une saison positive

À l’approche des Mondiaux, en Nouvelle-Écosse, Poulin est satisfait de sa saison en Coupe du monde.

Il est en avance sur sa courbe de progression. Cela le surprend un peu, car à son retour de Tokyo, il a pris le temps de faire autre chose. Il s’est concentré davantage sur son parcours scolaire et il voulait aussi se changer les idées. « D’habitude, je suis un gars qui est vraiment assidu à l’entraînement, je suis très méticuleux. »

Le corps et l’esprit avaient besoin de répit. « En début de saison, je savais que je n’avais pas ramé 2000 km cet automne. J’avais ramé peut-être 200 km. Donc il y avait une méchante différence ! »

D’autant plus que pour la première fois de sa vie, il entamait un nouveau cycle olympique. « C’est pas mal différent. »

Pendant 18 ans, il s’est préparé pour Tokyo 2020. Toute sa vie avait été organisée autour de ces Jeux. Aujourd’hui, il lui reste deux ans pour préparer ceux de Paris. « Avant, je n’avais jamais parlé à personne de Paris. »

Son rôle est aussi différent. Il est maintenant le leader incontesté de cette équipe d’un sport où le « C » n’apparaît pas sur le maillot.

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Pierre-Luc Poulin est aujourd’hui le leader incontesté de l’équipe canadienne de canoë-kayak.

Travailler dans l’ombre

Chaque fois que Pierre-Luc Poulin quitte son domicile tôt le matin, il pense à tous ces athlètes amateurs qui, partout sur la planète, sont arrivés très tôt à l’entraînement.

À Paris, tout le monde va penser aux athlètes pendant deux semaines, mais je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de monde qui pense aux athlètes amateurs qui s’entraînent aujourd’hui. Probablement que 98 % des athlètes qui vont être aux Jeux à Paris s’entraînent ce matin à 8 h.

Pierre-Luc Poulin

Poulin ne s’en plaint pas, au contraire. Se lever tôt, ne pas gagner une fortune et rater des soupers de famille fait partie du boulot. « Il n’y a pas de sacrifices, mais ce sont des choix. Si tu dis oui à ça, pour de vrai, tu dis non à autre chose et tu avances. »

Avancer aussi avec plus de légèreté, car la pression est retombée. Poulin est un olympien. Personne ne peut lui enlever ça ou effacer le tatouage des anneaux olympiques qu’il a dans le dos. Un olympien jusque dans la peau.