Pour un cours à l'Université de Sherbrooke, le professeur en kinésiologie Donald Royer a couché sur papier ses connaissances sur les sports en fauteuil roulant. Aujourd'hui retraité, l'homme de 75 ans avait beaucoup à raconter; il a consacré plus de 50 ans de sa vie aux sports adaptés, dont 30 comme président de Parasports Québec, rôle qu'il a occupé jusqu'à l'an dernier.

Figure de proue d'un domaine qu'il a découvert au début des années 60 comme entraîneur de basketball, M. Royer a également porté plusieurs chapeaux dans les instances nationales et internationales, dont le Comité international paralympique. Sans compter son implication partout dans le monde, jusqu'en Afrique.

Forcément, sa route a souvent croisé celle de Chantal Petitclerc. La championne paralympique se souvient surtout de la propension de M. Royer à se dévouer pour répondre aux moindres besoins des athlètes. Un pneu à gonfler, une bouteille d'eau à remettre, un fauteuil roulant à pousser: M. Royer était toujours le plus avenant.

«Dans le domaine sportif, les leaders qui ont cette capacité d'être à la fois super impliqués dans les comités et les postes de décision, mais qui n'oublient jamais d'être proches des athlètes, ce sont eux qui ont l'impact le plus important», a souligné la sénatrice, hier après-midi, dans le cadre du lancement du livre Au-delà des limites: l'histoire des sports en fauteuil roulant, dont M. Royer est le coauteur.

Initiative de Parasports Québec, l'organisme régissant les sports adaptés dans la province, l'ouvrage est le bébé de M. Royer, qui en avait rédigé une centaine de pages. À partir de ce document, la journaliste Judith Lussier, coautrice, a approfondi les recherches et usé de sa plume précise pour proposer un essai retraçant l'histoire des sports paralympiques dans leur globalité, au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde.

Le président du Comité paralympique canadien, Marc-André Fabien, a peut-être le mieux résumé son travail en parlant d'une «succession de petits tableaux nous faisant découvrir, vivre et parfois revivre les grands moments du parasport au Québec». «Oui, Judith, vous êtes maintenant une historienne du paralympisme», a tranché Me Fabien.

Des origines avant tout médicales du mouvement en Angleterre après la Seconde Guerre mondiale, Au-delà des limites raconte son évolution vers une discipline sportive à part entière, accordant évidemment une place de choix au Québec.

L'essai fait découvrir les Wheelchair Wonders, première équipe montréalaise de basketball en fauteuil roulant en 1950, et des pionniers comme Errol Paillé, qui a introduit le rugby en fauteuil roulant dans la province, ou Roger Mondor, fondateur de la Fédération des loisirs et des sports pour handicapés du Québec (1969). Il rappelle le travail essentiel de Monique Lefebvre, fondatrice du Défi sportif AlterGo, de l'entraîneur de rugby André Asselin et de la joueuse de tennis Hélène Simard, entre autres.

Le parcours du grand marathonien en fauteuil roulant André Viger, entrepreneur et innovateur dans l'âme, occupe une place de choix.

Au lancement à l'Institut national du sport du Québec, au Parc olympique de Montréal, Chantal Petitclerc a relaté comment Viger, à la fin des années 80, avait engueulé un organisateur d'une course de 10 km qui refusait de les laisser s'élancer.

«J'avais plus peur d'André que de l'organisateur!» s'est souvenue en riant celle qui signe la préface du livre. (Oui, ils ont couru.)

Frondeuse, Petitclerc s'était frottée à Pierre Foglia aux Jeux du Commonwealth d'Auckland, en 1990, où une épreuve en fauteuil roulant était présentée en démonstration. Elle déplorait entre autres que ses collègues soient logés à l'extérieur du Village des athlètes. Peu impressionné de prime abord, le chroniqueur de La Presse s'était finalement rangé aux arguments de la jeune athlète avec qui il a maintenu une relation, disons, musclée durant toute sa carrière.

«Les gens nous prêtaient une espèce de mission: vous voulez faire avancer le monde, changer les choses, mais la réalité, c'est que tout ça, c'était beaucoup un effet secondaire d'athlètes qui voulaient juste gagner une course», a précisé Chantal Petitclerc, presque étonnée de l'impact que ses pairs et elle ont pu avoir sur la société.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Chantal Petitclerc

Très complet et abondamment illustré, Au-delà des limites ne fait pas l'économie des débats et controverses qui ont marqué le sport adapté au fil des années.

Pour Donald Royer, son engagement initial auprès d'une «population spéciale», comme on disait à l'époque, s'est mué en une passion qui ne s'est jamais démentie.

«J'étais heureux de mon implication parce que j'ai senti que j'apportais non pas de la pitié, mais une collaboration importante à une population qui pouvait très bien être sportive et apprécier les défis», a-t-il dit.

Au-delà des limites: l'histoire des sports en fauteuil roulant, Judith Lussier et Donald Royer, Flammarion Québec, 192 pages.

PHOTO FOURNIE PAR FLAMMARION QUÉBEC