Les spécialistes du cerveau sont sur le point de pouvoir diagnostiquer chez des patients vivants l'ETC, cette maladie neurodégénérative qui touche bien des anciens joueurs de football et de hockey. C'est du moins ce que suggère une étude de chercheurs de l'Université de Boston dévoilée hier.

Cette percée serait majeure, notamment pour d'anciens athlètes qui vivent avec les conséquences de trop nombreuses commotions cérébrales.

Cette perspective réconforte Stéphane Roy, le frère de Patrick Roy, qui a lancé lundi un appel à l'aide dans La Presse. Roy se croit atteint d'encéphalopathie traumatique chronique (ETC) qui, pour l'instant, ne peut être détectée que sur des patients morts.

« S'il y a un test disponible, je suis prêt à le passer demain matin. Je veux savoir si j'ai la maladie », a lancé Roy en entrevue avec La Presse hier.

La capacité de diagnostiquer l'ETC chez des sujets vivants pourrait intéresser des dizaines d'athlètes qui, comme Roy, sont touchés par les conséquences des coups à la tête.

Ce nouveau diagnostic pourrait aussi avoir un impact direct sur les ligues professionnelles. Des athlètes en activité dans la LNH et la NFL passeraient certainement le test. Certains pourraient même décider de couper court à leur carrière selon le diagnostic.

Une étude prometteuse

Mais il reste encore du chemin à faire. Car si la nouvelle étude des chercheurs américains représente un pas dans la bonne direction, elle n'offre pas encore une manière sûre d'offrir un diagnostic.

L'étude publiée dans la revue Plos One est prometteuse. En scrutant le cerveau de 91 morts - certains ayant souffert d'ETC de leur vivant -, les chercheurs ont découvert un marqueur potentiel de la maladie. Les cerveaux de patients qui souffraient d'ETC montraient des taux supérieurs de CCL11, protéine associée au déclin cognitif. Ces cerveaux affichaient même des taux de cette protéine supérieurs à ceux de patients ayant souffert d'alzheimer.

«Cette recherche a montré la possibilité de diagnostiquer l'ETC chez des patients vivants. Elle a aussi offert un mécanisme pour distinguer l'ETC d'autres maladies, comme l'alzheimer, note dans un communiqué Jonathan Cherry, chercheur postdoctoral à l'École de médecine de l'Université de Boston. Ainsi, on pourrait mieux cibler les traitements pour l'ETC et peut-être avoir de meilleurs résultats.»

Des réserves chez les chercheurs d'ici

Mais des chercheurs d'ici sont plus prudents. La pertinence de ce biomarqueur doit encore être démontrée, selon Dave Ellemberg. Le neuropsychologue et professeur à l'Université de Montréal note que d'autres études devront être faites pour confirmer que ce marqueur permet un diagnostic certain d'ETC.

«Mais tout de même, quand je vois que des chercheurs cherchent activement une solution, font une réflexion et tentent de trouver des moyens de dépister l'ETC chez des personnes vivantes, ça me donne espoir qu'on y arrivera, et c'est une bonne nouvelle», dit-il.

Le chercheur québécois Louis De Beaumont s'intéresse spécifiquement à la question du dépistage de cette maladie chez les vivants. Il étudie toutefois une manière différente d'y arriver, soit la tomographie par émission de positons, ou PET scan.

«Il ne faut pas que les gens pensent que c'est fait, que l'on peut diagnostiquer l'ETC chez les vivants dès aujourd'hui», souligne De Beaumont, neuropsychologue et directeur de la chaire de recherche de la fondation Caroline Durand en traumatologie aiguë de l'Université de Montréal.

Comme M. Ellemberg, il pense que la découverte des chercheurs américains devra être confirmée par d'autres études. Il dit avoir toutefois bon espoir qu'on pourra diagnostiquer l'ETC chez des patients en vie d'ici quelques années.

«Je pense qu'on va arriver à un taux de détection près de ceux de la maladie d'Alzheimer, par exemple. Ce serait un pas gigantesque de dire qu'on pourrait diagnostiquer l'ETC comme on le fait avec la maladie d'Alzheimer, dit M. De Beaumont. Notre groupe de recherche est financé pour le faire et on va le faire.»

«Panique»

En attendant, Louis De Beaumont constate la panique qui gagne d'anciens athlètes qui, comme Stéphane Roy, se croient atteints de l'ETC. La maladie dégénérative peut mener à la dépression, à la démence précoce et au suicide. Le dépistage pourrait permettre de rassurer des athlètes qui croient à tort qu'ils en sont atteints, dit-il.

«Il y a une espèce de médiatisation intense, une panique chez les anciens athlètes, note le spécialiste. Regardez l'ancien homme fort du Canadien, Todd Ewen.»

Ewen s'est suicidé dans son sous-sol en septembre 2015 parce qu'il était convaincu qu'il souffrait d'ETC. Cinq mois plus tard, des chercheurs qui avaient analysé son cerveau ont conclu qu'il n'en était pas atteint.

«Ce ne sont pas tous les athlètes qui vont développer la maladie. Ce n'est pas la majorité. Mais il y a cette espèce de conception, par exemple, que presque tous les anciens joueurs de football vont l'avoir, dit-il. Permettre de diagnostiquer l'ETC, ça pourrait permettre de mieux traiter et peut-être de rassurer certaines personnes. Ce serait déjà beaucoup.»

Photo Sylvain Mayer, Le Nouvelliste

Stéphane Roy, ancien joueur de hockey