Le sourire chaleureux et la voix éraillée de Pierre Lafontaine disent tout ce qu'il est nécessaire de savoir au sujet du grand manitou de Natation Canada: voici un homme qui aime profondément ses nageurs et qui ne ménage jamais ses encouragements quand ils plongent dans la piscine. Pour le plus grand malheur de ses cordes vocales maltraitées.

Dimanche (samedi soir au Québec), l'intarissable Lafontaine est venu parler aux journalistes dans la zone mixte du Cube d'eau de Pékin. Quelques minutes plus tôt, les filles du relais 4x100 m libre avaient fini huitièmes et Brian Johns avait pris le septième rang du 400 m quatre nages, l'épreuve dans laquelle Michael Phelps a remporté sa première médaille d'or des Jeux.

Comment expliquer aux Canadiens qui suivent les épreuves de natation à la télé que ces résultats en apparence modestes représentent en fait des avancées considérables pour la natation du pays, s'est fait demander Lafontaine.

«Les progrès faits par l'équipe canadienne sont incroyables, a-t-il répondu, avec son enthousiasme habituel. Nous cognons à la porte. Deux finalistes, deux neuvièmes places. On avance. On n'est juste pas encore sur le podium.»

Les progrès sont effectivement bien réels depuis que Lafontaine a pris la tête de Natation Canada en 2005. En ajoutant la qualification du relais 4x100 masculin pour la finale qui a eu lieu dimanche soir (heure de Montréal), le Canada s'est déjà assuré, en deux jours seulement, d'une participation à trois finales, autant que pendant l'ensemble des Jeux d'Athènes, il y a quatre ans. Déjà, huit records canadiens sont tombés à Pékin.

«Nous savons que nous en étions capables», a dit le nageur Brent Hayden, auteur de nouvelles marques nationales dans le 100 m libre (comme premier relayeur) et le 200 m libre, dimanche. «On peut sans doute prétendre que nous en étions capables à Athènes. Nous ne l'avons juste pas fait. Mais nous sommes sur la bonne voie présentement.»

Lafontaine persiste d'ailleurs à croire qu'un podium est possible à Pékin. «Le temps de Brian Johns est le neuvième plus rapide de l'histoire. Et notre équipe de relais féminin est le septième plus rapide de tous les temps. On est pas mal bons. Dans la compétition la plus rapide de l'histoire, on est là.»

Pierre Lafontaine, satisfait du relais 4x100 féminin? N'est-il pas réputé détester les huitièmes places? Il rit. «Je ne pense pas qu'elles étaient contentes de finir huitièmes elles non plus! Mais Geneviève Saumur a fait en bas de 55 secondes, Audrey Lacroix aussi. Julia a fait 54,3 secondes, son meilleur temps à vie. Ce qu'on a fait avec les garçons, bâtir des relais, on est en train de le faire avec les filles.»

Homme attentif aux moindres détails - c'est lui, faut-il le rappeler, qui avait eu la brillante idée de faire enfiler des chandails du Canadien à ses nageurs lors des championnats du monde de Montréal, en 2005 - Lafontaine n'est pas du genre à se satisfaire des résultats pourtant encourageants du Canada jusqu'ici.

Sa dernière idée pour motiver ses troupes: leur remettre tous les jours des récompenses. Il a acheté dans le village olympique un paquet de bébelles - épinglettes, lunettes farfelues, etc. - qu'il distribue aux plus méritants. «Le nageur qui encourage le plus, qui a offert la meilleure amélioration, qui a le plus haut classement mondial. On veut célébrer les petites victoires, qui ne sont pas toutes dans la piscine.»

L'objectif ultime: créer un esprit de famille, une solidarité porteuse. «L'important n'est pas qui gagne, mais de faire partie d'une équipe gagnante. Je veux que l'équipe retourne à la maison le 18 août et se dise, wow! c'est la meilleure équipe dont j'ai fait partie!»

C'est bien parti.